Nathan Fox.

Les élèves commencèrent à sortir de l'amphithéâtre, à la fin du cours de chimie. Un jeune homme aux longs cheveux bruns bouclés franchit les portes au milieu de la foule d'étudiants et se dirigea d'un pas direct vers la sortie.

-Nathan !

L'intéresse se retourna et eut le temps d'apercevoir une crinière rousse avant que sa meilleure amie ne se jette dans ses bras.

-Bon anniversaire !
-Merci, Raphaëlle ! Salut, Tim.
-Salut, Nathan. Bon anniversaire.
-Merci.

Raphaëlle se sépara de Nathan et retourna auprès de son petit ami, Tim, un garçon élancé aux cheveux blonds.

-Alors, tu compte fêter ça ?
-Je sais pas. J'imagine que ma famille m'attend, c'est déjà bien. Sarah doit venir aussi.
-Super !
-Tim, ça va ? T'es pâle.

Le grand échalas ne répondit pas. Ses yeux bleus semblaient vides lorsqu'il leva lentement la tête à l'appel de son prénom. Une seconde plus tard, ses pupilles se révulsèrent et il tomba en avant. Un attroupement se forma autour d'eux tandis que Raphaëlle et son ami s'empressaient de rattraper Tim. Nathan passa une main sur le front parsemé de mèches dorés et fronça les sourcils.

-La vache, il est brûlant ! On l'emmène à l'infirmerie.

Il souleva le jeune homme et se dirigea vers la salle de soin, suivie de Raphaëlle qui ne cessait d'appeler son petit ami dans l'espoir de le réveiller. Anxieuse, elle tripotait un bracelet de perles vertes et orange noué à so poignet, que Nathan lui avait offert à son dernier anniversaire. L'infirmière, après examen, se contenta de hausser les épaules d'un air désabusé.

-Le troisième aujourd'hui. C'est cette nouvelle grippe, ça n'arrête pas en ce moment. Le plus étonnant c'est qu'elle touche n'importe qui, on a aucune idée de son origine et ça s'attrape de façon aléatoire. Étrange. Je vais appeler ses parents.
-Je reste ici avec lui alors. Nathan, rentre chez toi, ta famille doit t'attendre.
-Tu es sûre ?
-Oui ! Allez, file ! Je t'envoie un texto dés que j'ai des nouvelles !

Le jeune homme sortit de l'infirmerie et rentra rapidement chez lui, ou il trouva sa mère dans le canapé, en train de regarder les information.

« … Dénombre plusieurs dizaines de cas en Californie en l'espace de quelques heures. Cette grippe d'origine inconnue, semble frapper au hasard. Il est possible que deux personnes exposées aux même conditions ne réagissent pas de la même façons. Certains semblent naturellement immunisés contre cet étrange virus. Les services d'hygiènes sont sur le pied de guerre pour parer à toute éventuelle pandémie mondiale. Plus d'information dans notre prochain... »

-Nathan ! Bon anniversaire mon grand !

La petite femme se leva et alla serrer son fils dans ses bras.
-Merci Maman. Où sont Papa, Liz et Lucy ?
-Les jumelles sont dans leur chambre. Elles ne se sentaient pas très bien alors elles ont fait une sieste, elles voulaient être en forme pour ce soir. Ton père est dans son bureau. Va poser tes affaires avant de lui dire bonjour.

L'étudiant se dirigea vers sa chambre, la seule qui n'était pas à l'étage. Lorsqu'il poussa la porte, il s'aperçut de la présence d'une jeune fille aux longs cheveux acajou assise sur son lit.

-Salut Nathan.
-Sarah ! Qu'est ce que tu fais ici ?
-Ta mère et moi on voulait te faire la surprise !

Elle se leva et vint se blottir contre lui avant de l'embrasser.

-Bon anniversaire.
-A TAAAABLEEEE !
-Viens, allons-y ! C'est ta soirée !

Sarah sortit de la chambre en entraînant son petit ami derrière elle. Quelques minutes plus tard, ils étaient tous attablés. Les parents de Nathan, ses deux petits sœurs, des jumelles, Liz et Lucy, ainsi que Sarah et Nathan lui même, savourant le délicieux repas que Mme Fox avait préparé spécialement.
Quelques heures plus tard, le jeune homme et sa petite amie étaient dans une voiture, garée devant la maison de Sarah. Celle ci sortit de sa poche un petit paquet enveloppé de papier kraft.

-Tiens. J'ai eu du mal à les trouver, c'est fou comme c'est dur à acheter.

Nathan saisit l'emballage et le défit rapidement pour découvrir une chaine, à laquelle étaient accrochés deux pendentifs semblables à ceux des militaires. Le premier portait les inscriptions habituelles, nom, date de naissance, groupe sanguin. Le second, quand à lui, s'avéra être une fausse lame de rasoir.

-Sarah, ils sont super ! Merci !

Nathan se pencha et embrassa tendrement sa petite amie.

-Je t'aime.
-Moi aussi, Nathan. N'en doute jamais.

Sarah lui sourit et sortit de la voiture, lui adressa un dernier signe et passa la porte d'entrée. Le jeune homme redémarra et reprit le chemin de sa maison, les deux pendentifs passés à son cou.


La sonnerie stridente tira le jeune homme de son sommeil. Après une rapide douche froide, comme chaque matin, Nathan enfila une chemise noire et un jean, passa le pendentif à son cou et sortit de sa chambre, son sac de cours contenant ses livres et son ordinateur accroché à l'épaule. Il n'avait pas vu Sarah ou Raphaëlle la veille et commençait à s'inquiéter. La mère de Sarah lui avait dit qu'elle était malade et sa meilleure amie n'avait tout simplement pas laissé de message.

-Maman, j'y vais.

Il n'entendit pas de réponse et supposa que sa mère dormait toujours. Elle avait prit quelques jours de congé pour s'occuper des jumelles, clouées au lit par la grippe. Son père ne travaillait pas ce jour là. Nathan sortit dans la rue, et fut surpris de la trouver déserte. Pas une voiture, pas un passant. Il continua tout de même, vers la faculté. Un sentiment de malaise finit par le saisir lorsqu'il ne croisa personne jusque devant le bâtiment. Il finit par faire demi tour et rentra en courant chez lui. À quelques rue de la sienne, il finit par croiser quelqu'un. C'était un homme d'une quarantaine d'année au crâne dégarni, vêtu de ce qui ressemblait à un pyjama.

-Monsieur ?

N'obtenant aucune réponse, Nathan s'approcha doucement. L'homme était d'une pâleur effrayante, et marchait vouté, les yeux au sol, d'un pas raide et lent.

-Monsieur ? Est-ce que ça va ?

L'homme répondit cette fois par un grognement avant de lever les yeux. Des yeux voilés, blanchâtres, cernés de rouge. Des yeux de cadavre. Il poussa un râle et leva le bras vers Nathan qui recula par réflexe, manquant de trébucher sur le trottoir. Avec un nouveau râle, plus fort cette fois ci, le malade leva son second bras et découvrit d'horribles dents jaunes. Sans plus réfléchir, Nathan fit volte face, rentra ventre à terre et ferma la porte d'entrée à clé.

-Maman ?

Surpris de l'absence de réaction de sa famille au bruit qu'il avait fait en claquant la porte, Nathan gravit l'escalier. La chambre de ses parents était grande ouverte, le lit défait, mais pas trace de ses géniteurs. La chambre des jumelles, elle, restait fermée. Des bruits semblaient provenir de l'intérieur. Il lui sembla également entendre un gémissement.

-Lucy ?

N'obtenant toujours aucune réponse, Nathan tourna lentement la poignée et entrouvrit la porte, qui refusa d'aller plus loin. Quelque chose buttait de l'autre côté. L'étudiant força et finit par réussir, poussant brutalement la petite commode qui était tombée sur le côté, bloquant le battant. Le lit des jumelles était défait aussi. Derrière la petite table de nuit, Nathan aperçut la silhouette recroquevillée de sa petite sœur. Elle remuait faiblement en poussant de petits gémissements. Il n'apercevait pas son visage, qu'elle avait caché par de longs cheveux raides et noirs.

-Lucy ? Tu pleures ?

La gamine ne répondit pas, mais leva son visage vers lui. D'une pâleur grisâtre, elle ressemblait à un cadavre. Ses yeux voilés le fixaient sans la moindre émotion, enfoncés dans des orbites rougies et suintantes. Mais ce ne fut pas son air mort qui figea Nathan. Ce n'était pas non plus son pyjama déchiré. Non. Ce qui glaça le sang du garçon ce fut la main ensanglantée que tenait sa sœur entre ses mains pâles, et qu'elle dévorait à pleines dents. La moquette, de l'autre côté du lit, était inondée de sang et il aperçut une forme écarlate qui ressemblait à un tas de chair fraîchement massacré. Il sentit sa gorge se nouer tandis que son estomac se contractait brutalement.

-Oh mon dieu...

De nouveau, avant qu'il n'ait pu esquisser le moindre geste, un gémissement lugubre, plus fort cette fois, envahit l'air. Nathan tourna la tête vers la porte donnant sur la salle de bain des jumelles, pour en voir émerger sa sœur. Liz avait la même allure cadavérique que sa jumelle et était également couverte de sang, qui provenait très probablement du cadavre dont on voyait dépasser un bras, dans la baignoire. Lucy avait réussi à se lever et toutes deux se dirigeaient vers leur grand frère d'un pas chancelant, lent et maladroit. Instinctivement, Nathan recula.

Nathan comprenait vite. Il avait toujours été intelligent. Combien de fois lui avait-on dit qu'il était doué pour faire rapidement les connexions entre les évènements ? C'était même ce qui lui plaisait le plus, ce qui l'avait poussé à entreprendre des études de Chimie. Comprendre. Faire des lien.
Et là non plus, il n'avait pas mit longtemps. Tout se mit en place dans sa tête à une vitesse fulgurante. La grippe inconnue, la maladie des jumelles, le vieillard dans la rue, l'absence de ses parents, les deux cadavres dans la chambre... Nathan comprit, en quelques secondes, que ce n'étaient plus ses deux petites sœurs qui se tenaient devant lui. Qu'il ne reverrait plus son père et sa mère, actuellement réduits à l'état de repas pour cadavres ambulants. Qu'il devait foutre le camp au plus vite. Nathan n'était pas idiot. Il avait déjà vu ces films de zombies, ceux dont on rie quand on les regarde, parce qu'on sait que non, ce n'est pas possible, des morts qui marchent. Nathan savait que c'était impossible. Cependant, il ne pouvait que revoir ses certitudes en voyant ces deux enfants, d'ordinaire si douces et pleines de vie, marcher avidement vers lui avec des morceaux de chair humaine entre les dents. Nathan savait que ses sœurs étaient mortes. Comment sinon, Lia pouvait-elle encore marcher avec le crâne fendu ? De toute façon que pouvait-il faire, à part voir si il pouvait trouver de l'aide pour ses sœurs, même si il savait pertinemment qu'il n'y avait rien à faire ?

Nathan réagit vite. Très vite. Il recula, enjamba la commode et se précipita au rez de chaussée. Il portait toujours son sac en bandoulière, qui jeta dans la cuisine, et s'empara rapidement d'un katana décoratif qui trônait contre un mur, ainsi que d'un marqueur. Il ne pouvait se résoudre à tuer les jumelles, aussi ferma-t-il la porte de l'entrée derrière lui après sa sortie. Avec le marqueur, il tagua le battant blanc d'une inscription. DANGER. Ne pas entrer.
La rue était aussi déserte qu'avant. Il aperçut au loin la silhouette du vieil homme qui titubait, et entendit un hurlement strident, en bas de la rue. Il provenait de la maison de Mr et Mme Perkins, deux retraités qui passaient leur temps à observer le voisinage. Sans s'arrêter, Nathan s'engouffra dans la Ford de son père et quitta l'allée. Son objectif, maintenant, c'était Sarah, et Raphaëlle. Sa petite amie habitait elle aussi la banlieue, mais plus an centre, vers la ville. Ville dont il entendit rapidement monter un concert de sirènes, accompagné de colonnes de fumées.

La Ford Grise pila devant la petite maison des Donovan dont la porte semblait fermée. Nathan marcha rapidement jusqu'à la porte d'entrée et frappa. N'obtenant aucune réponse, mort d'inquiétude, il tenta d'ouvrir. Rien. Pourtant, les deux voitures des Donovan étaient garées là. Ils étaient à l'intérieur et il devait les prévenir. L'espace d'un instant, il songea à ouvrir la porte en éclatant le verrou avec son pied, puis se ravisa. Il préféra s'agenouiller et soulever le paillasson. Rien. Sa main passa fébrilement dans les pots de géraniums. Rien. Enfin, il plongea les doigts dans la petite jarre à côté de la porte. Le métal cliqueta contre ses phalanges et il extirpa les clés de leur cachette. Les gens manquaient d'originalité. Nathan déverrouilla la porte, s'efforçant de contenir les tremblements de ses mains pâles. Enfin, le vestibule s'offrit à sa vue. Il semblait désert.

-Sarah ? Sarah, viens vite ! Faut s'en aller !

Aucune réponse. Il se sentait de plus en plus tendu, à chaque pas qu'il faisait. Il se dirigea vers la salle à manger et l'odeur du sang le prit à la gorge. Une flaque de sang, provenant de derrière le bar, attira immédiatement sont attention. Son arme levée, il s'approcha lentement, tremblant à l'idée de découvrir le corps dévoré de Sarah. Les restes dévorés ne permettaient pas d'identifier qui que ce soit, mais Nathan repéra bien vite une grosse montre au milieu du tas de chair. Le père de Sarah. Figé, immobile, le jeune homme se sentait tétanisé. Si Thomas Donovan avait été dévoré, il y avait un mort qui dansait la polka quelque part dans la maison.
Deux masses s’abattirent sur ses épaules et Nathan sursauta violemment tandis qu'un gémissement résonnait tout prés de son oreille. Avec un hurlement, et se maudissant d'avoir relâché son attention, le jeune homme tenta de se retourner, dans succès. Une mâchoire claqua prés de son cou sans l'atteindre. Il se rua en avant, criant de nouveau en sentant les ongles déchirer sa chemise et sa peau. La sensation chaude et humide du tissu imprégné de sang se répandit sur ses épaules et il serra la mâchoire avant de faire volte face, ignorant la brûlure, et donna un grand coup de son arme derrière lui. Ses yeux croisèrent ceux de Sarah et il se sentit perdre pied. Son monde déjà si meurtri s'écroula lorsque ses prunelles noires tombèrent sur le regard voilé de la jeune fille. Elle n'était plus avec lui. Elle était contre lui. Et lui, il se tenait là, incapable de bouger, le sabre japonais planté dans la poitrine de celle qui avait aimé plus que tout. Sarah leva lentement les bras vers lui, la bouche ouverte sur un beuglement inhumain. Nathan était incapable de réagir. Son sang semblait s'être figé en glace, bien qu'il continue d'imprégner le reste de sa chemise.
La main glacée se referma sur son poignet. Et son instinct de survie prit le relais. La lame se dégagea de la poitrine, il recula pour éviter d'être aspergé de sang. Son bras partit en arrière pour prendre de l'élan, puis revint en une harmonieuse courbe vers le cou de la goule. La lame effilée -un véritable Katana, pas une connerie décorative- trancha les chairs mortes, puis la colonne vertébrale. La tête roula sur le sol, une gerbe de sang l'aspergea au visage, puis le corps suivit.
Nathan se détourna du cadavre, bien mort cette fois, de ce qu'était devenue sa petite amie, et croisa son reflet dans le miroir de l'entrée. Il était pâle, et la blancheur de son teint ne rendait que plus voyantes les traces de sang dont il était couvert. Fort heureusement, les profondes griffures infligées par Sarah n'avaient pas été éclaboussées de fluide, car il se doutait bien que si ça avait été le cas, il était bon pour rejoindre les rangs des joyeux cannibales associés. Sa chemise était largement déchirée et totalement inutile. Nathan verrouilla la porte, et se dirigea vers la salle de bain. Il improvisa rapidement un bandage, évitant de regarder les restes ensanglantés du petit frère de Sarah, dans la baignoire. Il s'empara d'une chemise du père de Sarah dans la chambre attenante puis revint dans l'entrée, les yeux résolument fixés sur la porte. L'extérieur résonnait de lugubres plaintes, mais il ne pouvait pas rester une minute de plus dans cette maison. Il s'empara des clés du 4x4 de la famille Donovan et ouvrit la porte, son arme tendue devant lui. Lorsqu'il avait récupéré ce Katana dans sa chambre, il n'aurait jamais cru qu'il serait si utile.

Seuls quelques zombies étaient affairées à dévorer un cadavre, de l'autre côté de la rue, lui laissant largement le temps de rejoindre la voiture noire garée dans l'allée. Alors qu'il s'installait sur le siège conducteur et verrouillait les portes, il se fit la sensation d'une machine. Tout son corps semblait plongé dans un état second, en pilote automatique. Il ajusta le rétroviseur, croisant son propre regard cerné et son visage aspergé d'hémoglobine, sans prêter attention au zombie qui venait de faire son apparition et donnait des coups contre la vitre en gargouillant d'une façon des plus avenantes. Nathan ne réfléchissait plus, il ne pouvait plus, la moindre de ses réflexions étant chassée par l'image de Sarah. Il tourna les clés, mit le contact, et démarra en trombe, écrasant un mort-vivants qui se tenait au milieu de l'allée. Il accéléra encore, éclata un autre cannibale, puis un troisième. Les mains crispées sur le volant, il tenta de contrôler sa respiration, les dents serrées. Il tourna au coin de la rue, emprunta une avenue déserte, seulement peuplée d'une dizaine de zombies, puis bifurqua dans une autre allée et pila devant la maison de sa meilleure amie. La porte était grande ouverte et la petite baraque semblait vide. Vide, si ce n'était cette main pâle qu'il voyait dépasser d'une pièce qui s'avérait être la cuisine, une main dont le poignet était entouré d'un bracelet de perles vertes et oranges. Nathan redémarra sans même descendre de voiture. Il secoua la tête pour dégager sa vision, chassant cheveux et larmes, sentant les muscles de sa mâchoire trembler sous la pression qu'il leur infligeait. La voiture noire fonçait vers le centre ville. L'idée lui était venue d'aller s'abriter au centre commercial. Il y avait surement des zombies, mais au moins, il y avait des magasins, avec des rideaux de fer, du réseau et de la nourriture.
Il traversait le Business Center District à pleine vitesse, slalomant entre les voitures, lorsqu'un attroupement attira son attention. Le centre ville semblait déserté des humains, aussi un groupe de morts vivants était-il suspect, d'autant qu'il semblait y avoir de l'agitation. Nathan ralentit et plissa les yeux.

-Oh merde !

Au milieu de cet attroupement, il y avait quelqu'un. Un humain. C'était un homme d'environ 25 ans, habillé de noir et doté d'une impressionnante crinière brune. Nathan enfonça l'accélérateur, faisant rugir le moteur, et fonça droit vers l'humain, encerclé de zombies. Il passa une première fois, fauchant trois goules au passage et leur roulant allègrement dessus, puis fit un demi tour digne d'un film d'action. Autrement dit, il dérapa dans un bordel dans nom, se fit une belle peur, puis revint faucher d'autre zombies en pilant juste devant l'autre homme. Il avait des yeux d'un noir aussi profond que les siens, une barbe de quelques jours et une impressionnante cicatrice en travers du visage. Nathan déverrouilla la portière et l'ouvrit d'un coup de pied.

-MONTE !

Le jeune homme resta sur place, apparemment incapable de bouger. Prés de lui, une goule commençait à s'animer et à grogner, mais il semblait littéralement pétrifié sur place. Nathan se pencha en avant et lui attrapa le bras pour le tire à l'intérieur de la voiture, sur le siège passager.

-Dépêche !

Il attendit que l'inconnu se soit installé avant de redémarrer, tandis que quelques mort-vivants se relevaient déjà, le corps plus ou moins disloqué. Les roues patinèrent deux secondes dans le sang, puis la voiture s'ébranla. Nathan jeta un bref coup d’œil à son passager, qui n'avait pas laissé échapper le moindre son. L'invasion semblait l'avoir secoué, et se retrouver dans une voiture en compagnie d'un garçon plein de sang qui écrasait les zombies comme des quilles ne l'aidait certainement pas.

-Je m'appelle Nathan.

Il n'obtint aucune réponse, seul un silence crispé succéda à ses paroles. Abandonnant l'idée d'une conversation, il se concentra sur la route, évitant les voitures abandonnées et roulant volontairement sur les zombies qui titubaient sur la chaussée. Il arrivaient à présent à la limite du centre ville. Restait à traverser la banlieue, les innombrables rangées de maisons identiques, pour arriver en zone d'activité périphérique.

-Je vais au centre commercial, le Sun City. Tu viens ou je te dépose ?

L'autre semblait plongé dans un mutisme profond. Prenant cela pour une affirmation, Nathan jeta un coup d'œil à la jauge de carburant tandis qu'un cadavre roulait sur le capot, cognait le par-brise puis retombait sur la chaussée. Un coup d'essuie-glaces plus tard, le 4x4 bifurquait vers une voie rapide.

-On a besoin d'essence, donc on va faire un arrêt.

Ils arrivèrent devant une station service. Quelques voitures avaient été abandonnées là, la supérette semblait dévastée, et un attroupement s'était formé devant ce qui semblait être les sanitaires. De nouveau, Nathan plissa les yeux et distingua un autre garçon, encerclé de goules. Saisissant son arme sur la plage arrière, il se précipita hors de la voiture.

-Fais le plein, je vais l'aider !

L'autre garçon avait des cheveux bruns, et se battait avec ce qui s'apparentait à un banjo. Cependant, même si il semblait capable d'asséner de puissant coups à ses adversaires, il était, peu à peu, débordé par leur nombre. Nathan courut vers l'émeute et se mit à moissonner avec son sabre. Deux têtes de zombie tombèrent, et trois autres s'effondrèrent, le crâne défoncé, tandis que l'autre en éliminait plusieurs de son côté. Il n'en restait que deux. Nathan se prépara à éliminer le plus proche, un femme d'affaire -à en juger par le tailleur- dont l'un des yeux pendait sur le côté, lorsqu'un bras entoura son cou. Il sentit un souffle putride contre sa joue, accompagné d'un grognement de très, très mauvaise augure. Le jeune homme se débattit, sans pour autant réussir à se dégager, et tomba avec son assaillant qui se retrouva sur lui. C'était un homme âgé d'une trentaine d'années, deux fois plus gros que lui. Sa lèvre inférieur semblait avoir été arrachée et sa gorge était largement déchirée. Nathan faisait de son mieux pour maintenir la tête du mort le plus loin possible de lui, mais ce dernier gagnait du terrain. Une ombre se dessina alors derrière son agresseur et un bruit sourd, métallique, doublé d'un gargouillis répugnant, mit fin à l'affrontement. Le zombie s'effondra, la tête éclatée, laissant apparaitre le garçon aux cheveux noirs. Il avait l'air aussi abasourdi que Nathan lui même, qui se relevait avec difficulté. Le troisième luron venait de finir le dernier mort-vivant, qui n'était plus que mort. Essoufflés, les trois humains s'entre-regardèrent, puis Nathan s'exprima à l'adresse de Mr Banjo.

-Bon... Tu restes ou tu viens ?
-Tant que tu m'emmènes là ou on peut butter du zombie...

Nathan haussa un sourcil. Alors lui il était pas commun.

-Ben le principe c'est plus de les éviter. On va au Sun City.
-Parce que tu crois être à l'abri là bas ?
-Pas moins qu'ici. Là bas, on a des chances de trouver de la nourriture et un abri. Alors ?

Le ton de Nathan se fit plus pressant, tandis qu'un beuglement lugubre se faisait entendre de l'autre côté de la station service. Il n'avait pas envie de se mettre encore plus en danger.

-Autant se battre à plusieurs. Mais bon, avoue que c'est grisant de leur péter la gueule ! Finit par répondre Inconnu n°2, tandis que n°1 restait plongé dans son mutisme.

Nathan se sentit de nouveau pâlir (si c'était encore possible) et fit volte face pour se diriger vers le 4x4.

-Sauf si c'est quelqu'un que tu connais, genre, ta copine.

Il entendit n°2 murmurer, tandis qu'il lui emboitait la marche.

-Ben ça tombe bien, j'en ai pas.
[-Moi j'en ai plus. Articula Nathan en bouclant sa ceinture. Au fait, ajouta-t-il en se tournant vers n°1 qui avait reprit sa place côté passager, merci. T'as bien joué.

Puis il tourna les clés de contact, faisant gronder le moteur tandis qu'un nouveau zombie apparaissant de sa démarche trainante au coin de la supérette. La voiture démarra et Nathan s'engagea sur la voie rapide. Aprés quelques minutes, ils quittèrent la large bande de bitume pour s'engager dans la zone industrielle grouillante de cadavres en état de marche.

-Tu peux ouvrir la fenêtre ? Sinon je vais devoir la péter !

D'un coup d'oeil dans le rétroviseur, Nathan aperçut le grand sourire qui barrait le visage de Mr Banjo. Avec un profond soupir un brin excédé, il appuya sur les commandes des fenêtres et entrouvrit la vitre arrière droite. Le passager fit alors une chose curieuse : Il tentait de faire passer son banjo par la vitre, mais l'instrument était évidemment trop gros pour se glisser dans la fente de cinq centimètres, ce que ne tarda pas à faire remarquer numéro 2.

-Ça passe pas.

Les dents serrées, Nathan appuya brutalement sur la commande afin que l'autre puisse passer sa foutue boîte à bruit par la fenêtre, sans faire le moindre commentaire. Il prit cependant le temps de jeter un regard noir dans le rétroviseur qui voulait clairement dire qu'à la prochaine plainte, il le jetait dehors. Les mains crispées sur le volant, les jointures blanchies, il se concentrait sur sa conduite. Des coups sourds se firent bientôt entendre et de nouveau, son précieux rétroviseur le renseigna. L'autre timbré avait passé son banjo par la fenêtre et s'amusait à frapper chaque zombie qu'ils croisaient lorsque celui ci était à sa portée. Le conducteur accéléra, probablement dans l'espoir secret de faire perdre son instrument au joyeux luron qui beuglait sur le siège arrière, mais sans succés. Au bout de quelques minutes de conduite pour le moins sportive, les néons de Sun City se dessinèrent au loin.

L'endroit grouillait littéralement de zombies.