Valjean, at last, we see each other plain — PV. Jim

Le bus était arrivé à Sun City depuis quelques heures. Lentement, le groupe d’arrivants s’était séparé entre les deux clans du Mall. Lily-Rose n’avait presque rien dit depuis. Elle s’était lavée pour enlever tout ce sang, s’était changée, s’était démêlé les cheveux. Elle portait son bermuda trop grand, son top et son perfecto en cuir. Elle s’était ensuite baladée pour se vider l’esprit à travers le centre-commercial. Ces derniers jours, elle était très renfermée sur elle-même, ne parlant que quand elle le devait. Une immense fatigue l’avait envahie. Ou était-ce de la lassitude ? Elle ne faisait plus réellement la différence. Lasse de vivre, enfin de survivre. Elle avait espéré que les nouveaux lui redonneraient un coup de fouet, qu’elle se sortirait ainsi de ses idées entre noires et maussades.

Elle finit par rejoindre le toit. L’air frais lui ferait peut-être du bien. Elle s’assit près du bord, contemplant la ville au loin. Elle tâtonna dans ses poches et en sortit cigarettes et briquet. Elle en porta une à ses lèvres, l’alluma, tira une longue bouffée. La meilleure. Une légère brise fit voleter ses cheveux. Ses genoux ramenés près d’elle, elle jeta un regard à ses nombreuses cicatrices. Putain de Piers. Elle le haïssait et espérait chaque jour qu’il ait eu une mort affreuse. Elle espérait cependant un autre sort pour son frère. Nouvelle bouffée. Elle se souvenait de chaque histoire derrière chacune des blessures. Des moments atroces, emprunts de haine pure.

Ce monde ci n’était pas plus violent que celui de son enfance et de son adolescente. Maintenant, elle ne s’attachait plus réellement, elle se méfiait de tous. Même si elle restait courtoise, voire même sympathique envers la plupart des survivants, elle était constamment sur ses gardes. Prête à ce que tout aille de nouveau de travers. Du bout des doigts, elle se frotta le visage. Monde de merde, sacré monde de merde. Enfin, au moins, elle se défoulait sur les zombies, qu’elle défonçait en les imaginant avec la tête de son géniteur.

Cela faisait des années qu’elle n’était pas retournée dans son pays natal. Elle avait pris ses marques ici. Elle n’avait pas eu les meilleures relations, ni la meilleure vie, mais elle était tellement plus heureuse qu’avant. Elle n’avait pas fait d’études, ni réellement terminé l’école. Cependant, à la simple pensée qu’elle ne devait plus avoir peur de son père, elle savait qu’elle n’aurait en rien changé son destin. Elle tira une nouvelle fois sur sa cigarette, cette fois, elle n’était plus seule sur le toit. Elle ne se retourna pas, se contentant de fixer l’horizon.

Qu’il vienne seulement.

Jim avait encore du mal à réaliser qu'ils étaient bel et bien arrivé à Sun City. Son entrée dans le bus lui paraissait fort lointaine, mais parfois, il lui arrivait de se demander si tout n'avait pas commencé hier, si tout ce qui s'était passé entre temps n'avait pas été qu'un rêve.

Pourtant, il était bien là. Sain, sauf. Enfin, les blessures lui ayant été infligé lors de la bataille du camp le faisait encore un peu souffrir, mais il n'avait aucune raison de se plaindre; il avait vu pire, et ce n'était rien comparé à ce que d'autres avaient subi, comme June.

June, qu'il avait laissée au refuge afin qu'elle puisse se reposer de ce long voyage. Cela dit, Jim suspectait qu'elle essaierait de partir en quête de la bibliothèque tôt ou tard. Du moment qu'elle était accompagnée, Jim n'en avait pas grand chose à faire. Cet endroit avait l'air sécurisé, ses occupants armés; ça lui faisait du bien, de se dire qu'ils risquaient peu ici, à condition d'être prudent. Et, justement, June était prudente.

Jim aimait penser qu'il n'avait pas à s'inquiéter, et c'est pourquoi il avait décidé de se promener, découvrir un peu les alentours. Enfin, ça, c'était ce qu'il disait à quiconque lui demandait où il se rendait.

La vérité, c'était que Jim avait toujours été libre. Il n'avait plus été enfermé depuis son adolescence, et ces longues semaines dans le bus le pesaient un peu. Il avait besoin de prendre l'air, d'avoir l'impression qu'il n'y avait aucun mur pour le retenir.

Il se dirigea donc vers le toit, espérant y trouver un peu de tranquillité (le refuge étant relativement bruyant pour le moment).

Évidemment, il fallait que le première chose à apparaître dans son champ de vision soit quelqu'un, assise sur le rebord du toit et fumant une cigarette. Son premier réflex fut de tourner les talons, de retourner vers la porte. Mais sa main stoppa à quelques centimètres de la poignée. Il se retourna, et observa l'étrangère; une tenue rouge, de longs cheveux noirs. Rien de spécial, à première vue.

Jim était venu ici pour prendre l'air. Ce n'était pas une personne qui allait l'en empêcher. Après tout, ce n'était pas comme s'il était dans l'obligation de lui adresser la parole. Ainsi prit-il sa décision: il soupira, et alla s'asseoir sur le rebord, à quelques mètres de la jeune femme.

Il ne la regarda pas. Non, Jim prit une grande bouffée d'air frais, fixa son regard sur l'horizon, et ne prononça pas le moindre mot.

Spoiler:

Il y avait effectivement quelqu’un d’autre sur ce toit. Pas moyen de se poser en paix ici. Avec les nouveaux arrivants, la population du Mall avait bondi en avant. Il se posa à quelque distance de Lily. Elle l’observa du coin de l’œil. Une silhouette très singulière, musclée et en même temps malingre, typique du régime zombie. A son bras, des profondes cicatrices. Ouch. Dure vie ? Comptes à régler avec d’affreux jojos ? Elle connaissait ça, c’était son quotidien. Cela faisait partie de sa vie depuis des années. Elle avait traîné avec Louis et ses connaissances, peu souvent recommandables, souvent dangereuses. Certaines de ses cicatrices venaient de cette époque.

Elle termina à son rythme sa seule cigarette depuis un bail, l’écrasa sur le rebord et jeta le mégot dans le vide. D’un coup de main distrait, elle dégagea ses cheveux noirs de son visage. Depuis ces quelques mois, ils avaient poussé et lui arrivaient sous les fesses. Elle devrait les couper probablement bientôt. Tiraillée entre une politesse issue de sa récente vie en communauté et son envie d’être seule, Lily-Rose tergiversa, balançant ses pieds dans les vides. Ce serait sympa de se présenter aux nouveaux arrivants peut-être ?

Elle soupira. Toutes ces mondanités. Il avait plutôt fermé aussi. Elle savait ce que cela faisait d’être seul. Ce n’était pas tous les jours facile, même si parfois c’était plaisant. Elle avait passé tant de temps avec Louis, puis avait fui à son arrestation. Depuis ce moment jusqu’à l’invasion, elle était restée solitaire, recluse et renfermée, escroquant comme elle pouvait pour vivre correctement. La brune se leva, balayant le paysage des yeux. Quand il faut y aller, faut y aller… Elle fit quelques pas, s’arrêtant à hauteur de l’homme. Puis elle tendit sa main.

« Lily »

Handicapée sociale bonjour.

Pendant un moment, il n'y eut que sa respiration et le souffle du vent pour briser le silence. Il profita de l'air frais, laissa ses pensées divaguer en toute tranquillité. Jim crût même qu'il n'y aurait pas de discussion, et qu'il pourrait rester calmement ici jusqu'à ce qu'il décide de s'en aller.

Bien entendu, il fallait que la jeune femme se lève, et s'approche de lui.

Génial.

Elle se présenta, et il y eu du mouvement non loin de lui. Jim tourna la tête et jeta un coup d'oeil sceptique à la main qui lui était tendue.

Il y a quelques semaines de cela, il n'aurait ni répondu, ni serré la main de qui que ce soit. Il n'aurait pas répondu, ou aurait trouvé quelque chose de défensif et d'agressif à dire. Ou encore, il s'en serait allé. Mais son monde n'était plus le même, June lui avait appris de nouvelles choses et émotions, et Jim avait changé. En tout cas, suffisamment pour ne plus se sentir agressé par quelqu'un cherchant simplement à faire connaissance, ou ne plus réagir au quart de tour. Pas après seulement quelques secondes, au moins.

Il ignora la main, et reporta son regard sur l'horizon.

"Jim," dit-il.

Jim ne la regarda pas. S'il était plus à l'aise avec les gens qu'auparavant, il n'en était pas pour autant devenu bavard, ou capable de s'habituer rapidement à une nouvelle présence à ses côtés. Les nouvelles rencontres, ce n'était vraiment pas son truc; ce n'était pas pour rien que dans le bus, il ne s'était rapproché de personne d'autre que June, même s'il avait du respect pour la plupart d'entre eux (ce qui n'était pas rien).

Comme quoi, il est bien vrai qu'on ne peut pas tout avoir.

Elle avait trouvé pire qu’elle. Oui oui. Elle avait trouvé pire qu’elle en matière de nouvelles rencontres et de socialisation. Sa main resta suspendue dans les airs un moment, puis retomba. Bon. Ok.

Hostilité : 1. Socialisation (et Lily) : 0.

« Allez ma grande, fais un effort » pensa-t-elle. Elle inspira profondément. Elle se rassit, un peu dépitée. Dans sa tête se bousculaient des questions. Comment c’était ailleurs ? Dans les autres états ? Les autres villes ? La situation avait dû bien évolué en quelques mois. Faut dire qu’ici, ils en avaient vu des vertes et des pas mûres. Surtout des vertes. Des goules vertes. Et Guernica. A cette pensée, Lily esquissa une grimace.

Ici, il faisait bon. Une petite brise mais un temps à rester dehors en t-shirt. La Californie quoi. La brune retira sa veste rouge. Cela laissait entrevoir les profondes cicatrices que le Monstre et Guernica avaient laissées. Mais bon, elle n’allait pas se cacher de ça, elle s’en fichait pas mal. Ne sachant que dire, elle regarda ses mains, paumes vers le ciel. Deux fines cicatrices, presque invisibles, les marquaient. Souvenir volontaire – étrange, je vous l’accorde – de New York.

« Comment c’est, ailleurs ? »

Le bus avait l’ai d’avoir beaucoup voyagé, ils devaient venir de loin. Elle se demandait si d’autres groupes s’étaient formés ailleurs. Elle ne savait d’ailleurs pas si ils s’étaient arrêtés ici uniquement parce qu’il y avait des gens ou parce que c’était décidé de prime abord. La brune l’observa. Elle avait la vague impression de l’avoir déjà vu quelque part. Mais bon, elle avait rencontré tant de gens dans sa vie, ça pouvait être n’importe qui.

« On s’est pas déjà rencontré ? »

C’est que… Avec ta tronche de sdf (illettré) probablement un peu junkie, tu me rappelles quelqu’un.