*SUN CITY
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 Alexei. Did you know the sun was gonna die ?

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Alexei
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MessageSujet: Alexei. Did you know the sun was gonna die ?   Alexei. Did you know the sun was gonna die ? Icon_minitimeLun 29 Aoû - 14:40

Did you know the sun was gonna die ?

    Nom : Karpoff.
    Prénoms : Alexei Isaak.
    Sexe : Masculin.
    Âge : Quatorze ans.
    Origines : Russes.
    Emploi : Collégien.
    Taille : 1, 76 mètres.
    Corpulence : Maigre.

    À venir (:

    Spoiler:

    Signes Particuliers :
    - Il est asthmatique.
    - Il pratique la gymnastique acrobatique depuis l'âge de six ans.
    - Il a des écorchures sur les genoux et une cicatrice sur la paume gauche.
    - Il est gaucher.
    - Il ne supporte ni les bruits violents ni la foule.

    Caractère : à venir.

    Inventaire :
    - Un jean écorché aux genoux.
    - Un caleçon noir.
    - Une chemise blanche trop grande.
    - Une ceinture.
    - Deux bracelets brésiliens tressés : un noir, l'autre bleu.
    - Un collier dont le pendentif contient une mèche de cheveux blonds.

    - Un paquet de chewing-gums à la menthe.
    - Deux énormes couteaux de cuisine.
    - Un portefeuille en tissu noir.
    - Une Torah au format de poche.
    - Un dé.
    - Un couteau suisse.
    - Un inhalateur.
    - Un crayon.

    Argent possédé à l'arrivée : 9$.


And promise not to promise anymore.

    Votre PUF : Lunie, Hemisphire.
    Votre âge : Quatorze ans.

    Codes : Okay
    Une dernière chose à dire ? : Point Culture sur les Zombies.
    Il est plus difficile de raisonner un zombie plutôt que de faire la distance Paris-New York en battant des fesses.


Dernière édition par Alexei le Mer 31 Aoû - 11:58, édité 3 fois
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Alexei
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MessageSujet: Re: Alexei. Did you know the sun was gonna die ?   Alexei. Did you know the sun was gonna die ? Icon_minitimeLun 29 Aoû - 14:40

    Iadrine. Enfance.
    Alexei Isaak Karpoff naquit à Iadrine, ville de la République de Tchouvachie, en Russie, par une nuit glacée, un 13 novembre. Ville sans charme et peuplée de dix mille habitants environ, Iadrine vit se dérouler lentement, au rythme de la neige, l’enfance du minuscule garçonnet. La langue locale étant le tchouvache, la première grande difficulté à surmonter pour un Alexei scolarisé à domicile fut d’apprendre le russe.
    L’asthme d’Alexei lui fut diagnostiqué à l’âge de six ans, période durant laquelle ils déménagèrent pour Moscou, suivant en traînant les pieds le père de famille, Sascha Karpoff, qui désirait gagner la capitale pour des raisons strictement professionnelles. Ils ne restèrent que quatre mois avant de quitter définitivement la Russie, pour gagner les États-Unis. Alexei avait alors sept ans, et Nastassia douze.

    Désillusion. Sept ans.
    Alexei, tapi sur son matelas posé à même le sol, scrutait l’horizon par la fenêtre de ce qui serait désormais sa chambre. Il balaya du regard le plancher rayé par les précédents locataires, les murs nus, l’amas de cartons qui menaçait à chaque instant de s’écrouler. La moitié n’était pas à lui, il n’avait jamais eut autant d’affaires. Sûrement un legs de Nastassia, qui considérait qu’une fois qu’elle ne s’intéressait plus à un objet, lui devait forcément le trouver passionnant.
    Ladite Nastassia pénétra en voltigeant dans la pièce, ses lourdes boucles blondes auréolant son visage angélique. Elle dégageait un discret mais attirant parfum de fleurs et de neige, et Alexei inspira à pleins poumons tandis qu’elle l’observait en secouant la tête. Elle s’approcha à grands pas rapides, s’accroupit en face de lui. Nastassia avait une façon bien à elle de lui parler : elle encadrait son visage de ses mains, au niveau des tempes, pour bloquer sa vision périphérique et ne l’obliger à voir qu’elle. Elle détachait soigneusement les syllabes et posait des questions très simples, toujours au présent. Alexei savait qu’elle le croyait autiste. Il voulait bien le lui laisser croire, juste pour lui faire plaisir.
    - Tu veux ranger tes affaires ? déclara lentement Nastassia, ses longues mains aux doigts frais posés sur le visage de son frère.
    Elle avait une voix très douce, et Alexei dut se retenir de lui demander de répéter, seulement pour entendre encore le carillon tintinnabulant de sa voix. Il lui fallut plusieurs secondes pour se rappeler qu’elle lui avait posé une question, une poignée d’autres encore pour se souvenir de la question en elle-même, et de nouveau un instant pour envisager une réponse. Nastassia, impatiente, lui asséna une pichenette sur le front, et Alexei tressaillit.
    - Tu veux ranger tes affaires ? répéta-t-elle.
    Elle ne lui demandait jamais Tu n’as pas rangé tes affaires ou Tu as mangé quelque chose, mais Tu veux ranger tes affaires ou Tu as faim. C’était étrange, mais agréable, et Alexei se surprit à se demander s’il n’avait pas de réels problèmes mentaux. Plongeant dans le regard gris métallique de sa sœur, il secoua très lentement la tête, avant de se replonger dans la contemplation de la fenêtre. Nastassia fit la moue, puis replaça ses mains sur son visage. Alexei s’agita, mais sa sœur ne lâcha pas prise et il finit par lui accorder son attention, résigné.
    - J’ai une bonne nouvelle, annonça-t-elle, un sourire étirant ses lèvres. Maman a trouvé un local privé pour notre cours de gymnastique, on va pouvoir recommencer à s’entraîner !
    Alexei sourit à son tour, mais l’effet était étrange, comme si son visage se craquelait, comme s’il n’avait pas l’habitude de sourire. La gymnastique était le seul sport qu’il pratiquait, et ce uniquement parce que c’était Nastassia qui l’y avait entraîné. Il avait fait ses premiers pas tremblants dans le gymnase de son école primaire à cinq ans, et enchaînait à présent les figures simples en compagnie de sa sœur. C’était elle qui lui avait tout appris, car elle avait autrefois pris des cours avec d’autres enfants. Lui n’avait pas pu. Il n’arrivait pas à se joindre à d’autres personnes, à les regarder, à leur parler. La simple idée qu’ils posent leurs yeux sur lui, qu’ils l’observent et le jugent, lui paraissait insurmontable. Nastassia allait donc reprendre des cours en groupe – elle avait atteint un remarquable niveau d’anglais pour une gamine de douze débarquée depuis six mois à peine sur un nouveau continent – et enseigner ce qu’elle-même apprendrait là-bas à son petit frère. C’était leur moment à eux, personne n’avait le droit de les leur prendre.


    Décision. Sept ans.
    - C’est une plaisanterie, j’espère, siffla Nastassia, la voix frémissante de rage.
    Alexei était tapi contre l’arcade qui menait au selon, derrière une plante verte que sa mère avait acheté pour faire comme toutes les autres ménagères américaines. Ils n’avaient jamais eut de plantes vertes à Iadrine, ni-même à Moscou, et l’idée d’arracher un petit buisson de la nature pour le mettre dans un pot semblait ridicule au petit garçon.
    - Nous ne pouvons plus payer les cours à domicile, et il a atteint un niveau d’anglais suffisant pour être scolarisé. Il ira dans une école publique.
    Alexei glissa un regard qu’il espérait discret dans le salon. Aleksandra Karpoff était assise sur le canapé, ses jambes soigneusement croisées, et raide comme un piquet. Ses longs cheveux caramel coulaient en boucles épaisses sur ses épaules minces, et elle ôta d’un air pincé un grain de poussière sur la manche de son cardigan en cachemire impeccablement repassé. Sa mère était l’image même de sa sophistication. Il suffisait de l’observer pour en juger : sa peau pâle enduite de fond de teint, ses yeux maquillés avec une précision quasi-chirurgicale, ses vêtements sobres mais chics exempts du moindre cheveu égaré, les lourdes créoles en or à peine visibles sous l’épaisse cascade blonde de ses boucles, et le diamant de la taille d’une bille qui reposait au creux de sa gorge, présent de son mari destiné à la convaincre de quitter la Russie pour les États-Unis. Elle s’efforçait de se fondre dans le moule américain, de devenir la petite bourgeoise coquette des séries télévisées. Mais, la vérité, c’était que la Russie lui manquait, et aucun maquillage ne pourrait camoufler le profond malheur qui imprégnait ses traits.
    - Il ne supportera jamais l’école publique, et tu le sais très bien.
    - Il s’adaptera.
    - Mais écoute-toi !
    Nastassia avait bondi de son fauteuil. Ses longues boucles blondes rebondissaient dans son dos, et son visage en forme de cœur était déformé par la rage.
    - Regarde où nous en sommes, Maman ! Tu ne vas tout de même pas envoyer Alexei à l’école alors que toi-même, tu restes barricadée à la maison, parce que tu as honte de toi et de ta famille devant les Américains !
    La gifle retentit, si fort qu’Alexei plaqua ses mains contre sa bouche pour étouffer un hoquet. Il s’éloigna à quatre pattes, se releva au milieu du couloir et coura jusqu’à sa chambre, dont il referma la porte le plus silencieusement possible.
    Puis il se recroquevilla sur son lit et, les mains crispées sur les oreilles, commença à pleurer.

    Larmes. Huit ans.
    Alexei était assis sur son matelas, scrutant son sac à la recherche de réponses. Sa mère avait voulu lui en acheter un neuf, mais il avait préféré prendre l’ancien de Nastassia, un sac en toile gris foncé, où elle avait inscrit au correcteur blanc le mot espoir en russe. La porte s’ouvrit doucement, et sa sœur entra. Elle avait les yeux rouges, camouflés par du mascara, et avait noué ses boucles blondes en un chignon à moitié défait. Alexei leva lentement les yeux vers elle, le visage grave. Elle lui tendit la main, sans rien dire. Après une longue hésitation, il se leva, saisit le sac qu’il jeta sur son dos et saisit la main qu’elle lui tendait.

    Leur mère les laissa sur le parking de l’école. Alexei serrait la main de sa sœur aussi fort qu’il le pouvait, par peur qu’elle ne l’abandonne. Le mois de janvier débutait à peine, et de légers flocons de neige voltigeaient dans le ciel gris. Cependant, même la vue de la neige ne les ferait pas sourire aujourd’hui, et ce fut cramponnés l’un à l’autre qu’ils entrèrent dans le bâtiment.
    C’était un complexe d’école enfantine et collège. Nastassia et les élèves les plus âgés suivaient leurs cours dans une longue bâtisse grise et terne, parallèle à une cantine identique. Il y avait peu de jeunes enfants, et ils n’avaient donc que quelques classes dans un petit bâtiment rectangulaire.
    Nastassia le laissa en face de sa classe. Elle l’embrassa sur la joue, puis tenta de s’éloigner. Alexei refusait de lâcher sa main.
    - Je ne veux pas y aller, murmura-t-il, ses grands yeux bleus plongés dans ceux de sa sœur.
    Nastassia était au bord des larmes.
    - Je sais, mon cœur, je sais. Mais il faut que tu y ailles. Tu n’as pas le choix, il faut que tu y ailles.
    - Mais je ne veux pas ! geignit-il, plus fort.
    Sa voix était rocailleuse, à force de mutisme, et sa petite main agrippa au manteau de sa sœur. Nastassia détacha ses doigts un à un, et s’enfuit dans le couloir en courant, les joues ruisselantes de larmes.

    Torture. Huit ans.
    C’était l’enfer. L’enfer.

    Foule. Huit ans.
    Tremblant de tout son corps, Alexei entra dans la salle. Les murs étaient tapissés de dessins maladroits et de posters aux couleurs vives, mais c’était uniquement pour cacher la froideur sinistre qui émanait de ce lieu stérile, plus adapté au tournage d’un film d’horreur qu’à l’enseignement des bases auprès de jeunes enfants. Le crépis jaunâtre qui couvrait les murs ressemblait étrangement à de la bile, et ses pas résonnaient lugubrement sur le carrelage orange et blanc. Alexei serra entre ses doigts moites les bretelles de son sac, tandis que les regards se tournaient vers lui.
    Il détestait être observé, il détestait qu’on le regarde, il détestait qu’on le juge. Et c’était exactement ce qui était en train de se produire.
    Sa mère n’aurait pas pu choisir pire moment pour le faire entrer à l’école publique. C’était la rentrée après les vacances de Noël, et chacun parlait des cadeaux qu’il avait reçu, de ceux qu’il aurait aimé avoir. Toutes les places étaient prises, si ce n’était une, tout au fond, près de la fenêtre.
    La maîtresse s’approcha de lui, un grand sourire sur ses lèvres maquillées d’une main tremblante. Ses traits semblaient s’être affaissés, elle paraissait molle, lasse. Elle haïssait son travail, c’était évident. Ses cheveux d’une couleur rousse aussi flamboyante qu’artificielle étaient noués en une tresse sommaire, et ses petits yeux marron disparaissaient sous les replis de peau de son visage ridé.
    - Bienvenue, Alexei ! s’exclama-t-elle avec un enthousiasme forcé.
    Elle tenta de le prendre par la main, mais il recula à toute vitesse, se recroquevillant contre le mur. La femme tâcha de se donner une contenance en se passant la main dans les cheveux, donnant un sens à son geste pathétique. Elle se tourna vers le reste de la classe qui dévisageait l’enfant avec des allures de prédateurs affamés.
    - Bon, les enfants ! s’écria-t-elle, la voix montant dans les aigus. Je vous présente Alexei Karpoff, il vient de Russie et entre pour la première fois en classe avec nous. Je vous demanderais d’être tous très gentils avec lui, le temps qu’il s’adapte.
    Un silence éloquent répondit à son discours, et Alexei eut l’étrange sensation de fondre et de se solidifier à la fois. Épouvantable.
    - Bien, herm. Alexei, va t’asseoir au fond, à côté de Nina.
    Nina était une fillette au visage rond et aux grands yeux amicaux, d’un superbe vert tendre. Elle se décala sur le côté pour lui faire de la place, ramenant ses longs cheveux noirs et lisses derrière son oreille, ornée d’une petite coccinelle. Alexei posa son sac par terre et s’assit à l’extrémité de la table, le plus loin possible de sa voisine. Nina le dévisageait avec ce qu’elle estimait être de la discrétion, tandis qu’il se pelotonnait sur sa chaise. Par pure habitude, il ôta ses chaussures – de vieilles baskets trouées ayant appartenu à Nastassia – et étira ses orteils, peu habitués à être enfermés. Il n’était jamais sorti depuis qu’ils avaient emménagé aux États-Unis, et le temps où il pataugeait dans la neige à Iadrine lui paraissait très lointain. À la maison, il était toujours pieds nus, et il n’avait pas jugé utile de mettre des chaussettes – quelle horreur ! – pour cette journée, déjà suffisamment éprouvante. Nina le dévisagea, les yeux ronds, tandis qu’il cherchait du réconfort dans la vision de ses ongles courts – gymnastique oblige.
    - Tu n’as pas de chaussettes ? demanda-t-elle, médusée.
    Elle avait une voix de personnage de dessin animé. Alexei tourna lentement la tête vers elle, et essaya de sourire. À voir la tête de la fillette, ce n’était pas très réussi.
    - J’aime pas, finit-il par répondre, sa voix rauque et hachée, au fort accent russe, achevant de persuader Nina qu’il faudrait mieux éviter de lui adresser la parole.
    Le reste de la matinée se déroula sans incident majeur, et, tandis que la sonnerie stridente retentissait dans les couloirs, Alexei remit ses chaussures avec peine puis bondit à l’extérieur de la classe.
    C’était le chaos. Il y avait des gens qui sortaient, partout, dégoulinant dans les couloirs comme des fourmis près d’une goutte de miel. On le poussait, on le bousculait. Tout le monde criait, le bruit était insupportable. Alexei se replia dans la première porte qu’il parvint à atteindre. Il réussit à déchiffrer l’écriteau – Réservé au personnel – et se faufila à l’intérieur. C’était un placard à balais on ne peut plus basique, rempli de seaux, serpillières et brosses en tout genre. Alexei se laissa glisser contre le mur, la respiration haletante. Il fouilla les poches de sa veste, trouva son inhalateur et le fit tourner entre ses doigts, avant de l’utiliser. Il entendait le brouhaha de la cours en fond sonore, et il se blottit contre les balais, retrouvant lentement sa respiration. La porte s’ouvrit, et Alexei se retourna d’un mouvement brusque, les yeux agrandis par la peur. Le visage en forme de cœur de Nastassia se découpa à contre-jour. Elle lui sourit, ferma doucement la porte derrière elle et s’assit à ses côtés. Aussitôt, Alexei se blottit contre elle, et sa sœur lui caressa lentement la tête, ses doigts jouant dans ses fins cheveux blonds.
    - J’ai cherché dans tous les placards du bâtiment, dit-elle, son souffle chaud chatouillant la joue de son frère.
    Alexei hocha doucement la tête, sans vraiment savoir quoi répondre.

    Calme. Huit ans.
    Les minutes s’égrenaient, lentes et paisibles, au rythme de leurs respirations.

    Cycle. Huit ans.
    Ils quittèrent le placard deux heures et demi plus tard, à la fin de la pause déjeuner. Alexei n’était absolument pas en état d’affronter une cantine pleine à craquer d’enfants bruyants, et Nastassia l’avait brièvement laissé pour aller lui chercher du pain et une pomme. Elle avait le cuisinier dans la poche, comme presque tous les adultes travaillant ici. Elle était trop charismatique pour ne pas s’y attacher, et elle s’entendait à merveille avec Sam, le vieil homme qui passait la serpillière dans leur bâtiment.
    Alexei rentra dans la classe avec un pincement au cœur, tâchant de se fondre de son mieux dans la foule. Mais, se fondre dans la foule, c’est déjà entrer dedans, et il était déjà pétrifié d’angoisse à l’idée de s’approcher des autres. Il suivit donc le mouvement, mais une bonne dizaine de mètres derrière, et regagna vivement sa place. Il enleva ses chaussures et observa le paysage à travers la fenêtre sale. Il entendit vaguement une histoire de problèmes de mathématiques et de pommes, mais n’y prêta pas attention. Il fut arraché de sa rêverie par le souffle tiède de la femme rousse, dont il avait oublié le nom, qui se penchait près de lui. Alexei eut un instinctif mouvement de recul, et manqua de tomber de sa chaise.
    - Alexei, où étais-tu, ce matin ? demanda la femme, son visage mou à quelques centimètres de celui de l’enfant, qui respirait avec précipitation.
    Elle dut répéter plusieurs fois la question, en détachant soigneusement les mots, jusqu’à ce que le visage d’Alexei s’éclaire.
    - Dans le placard, répondit-il, partagé entre la curiosité – que pouvait bien lui vouloir cette femme ? – et la fierté d’avoir compris, seul, toute une phrase en anglais.
    Nina – qui avait tout écouté, bien sûr – et la femme le dévisagèrent, consternées. Alexei tenta de se faire tout petit sur sa chaise, ses pieds nus se recouvrant l’un l’autre sur le rebord en plastique, mais il n’y parvint pas vraiment.
    - Et… Peux-tu m’expliquer pourquoi tu ne fais pas ton exercice ?
    Alexei écarquilla les yeux. C’était la première fois qu’il était autant concentré sur des personnes du monde extérieur, et la sensation était vraiment étrange. L’haleine de la femme sentait le tabac, et il envisagea de le lui faire remarquer.
    - Exercice ? répéta-t-il, indécis.
    Il reporta son attention sur le tableau noir. Une suite de symboles blancs et poudreux étaient inscrits sur la surface vert sombre. Alexei tenta vaguement de transposer les petits signes en alphabet anglais, puis en cyrillique, mais il parvint simplement à distinguer un e dans l’amas de dessins mystérieux grouillant sur le tableau. Il observa la femme, indécis. Celle-ci émit un son étrange, mélange de soupir et de gargouillement, et s’éloigna d’un pas lourd. Alexei observa à nouveau la fenêtre, ses doigts serrant fermement son inhalateur dans sa poche.

    Placard. Onze ans.
    Alexei quitta le placard une heure environ avant la fin des cours. Depuis le temps, il avait fini par s’habituer à l’école publique, à mieux comprendre quand on lui parlait, bien qu’il soit évidemment plus doué à l’écrit qu’à l’oral. Ses notes dépassaient rarement le sept sur vingt, ce qui déclenchait de monumentales crises de nerfs de sa mère, et un courte mais violente discussion avec son père. Il passait près de la moitié des cours dans le placard. Sam l’y avait trouvé, une fois, alors qu’il cherchait un seau, mais il n’avait rien dit, lui avait tapoté la tête et s’était éloigné en sifflant. L’excellente réputation de Nastassia le rendait pratiquement intouchable, et il n’était que très rarement puni.
    Ce n’était absolument pas une forme de rébellion, ou un moyen d’attirer l’attention sur lui, au contraire. Alexei désirait se fondre dans la masse, faire partie du décor. Il voulait seulement qu’on l’oublie. Néanmoins, rester toute la journée assis sur une chaise à écouter un vieil homme dépressif déblatérer sur son avenir lui paraissait invivable, et il était en proie à de violentes crises de panique lorsqu’il disparaissait dans la foule. Aussi, le placard était devenu son ami, son allié.
    Surtout depuis le départ de Nastassia. Elle était à présent au lycée, et partirait bientôt faire ses études de médecine, pour devenir cardiologue. Elle était promise à un brillant avenir, et Alexei se refusait de la freiner. Mais il avait besoin d’elle. Il avait besoin d’elle.

    Épouvante. Onze ans.
    Alexei rentra à la maison par le chemin le plus long, mais aussi le plus calme. Il avait besoin de silence et de tranquillité, c’était vital. Généralement, il préférait rester dehors, assis sur un toit – la gymnastique l’avait doté d’une condition suffisante pour se hisser sur un balcon et se laisser tomber sur un toit. En revanche, la descente était régulièrement ponctuée par une chute, et il s’était brisé la cheville une fois, il y a sept mois – ou gagner la forêt la plus proche, à plusieurs heures de marche. Aujourd’hui, il faisait trop chaud pour s’autoriser de telles folies, et Alexei, son éternel sac en toile sur l’épaule, rentra lentement chez lui.
    Il avait près d’une heure d’avance, et il pensait trouver la maison vide et silencieuse, comme il l’aimait. Mais la voiture de son père était là, et le sac écologique de Nastassia était posé sur le sol, dans l’entrée. Alexei grimpa l’escalier, avec son habituelle attitude lente et hésitante, et s’approcha de la chambre de Nastassia. Il poussa le battant. Vide.
    Des bruits suspects lui parvenaient de la chambre de ses parents. Il détestait lorsqu’il les entendait, ça lui paraissait horrible, malsain. C’est affreusement gêné qu’il regagna le rez-de-chaussée, jouant avec son inhalateur en plastique, lorsqu’il s’immobilisa brusquement. Le sac de sa mère n’était pas là. Il fouilla la penderie, s’aperçut qu’un de ses manteaux, cher et chic, avait disparu. Sa voiture n’était pas devant la maison.
    Sa mère n’était pas là.
    Tremblant, Alexei remonta les escaliers. Il colla son oreille contre la porte de la chambre de ses parents. Ce qu’il entendit manqua de le faire vomir.
    - C’est normal, c’est naturel, répétait son père, encore et encore, en une litanie infernale.
    Alexei bondit sur ses pieds et gagna de justesse les toilettes, où il vomit tripes et boyaux.

    Horreur. Onze ans.
    Il n’avait tout de même pas fait ça. Sascha Karpoff, homme d’affaires réputé, n’avait tout de même pas fait ça.
    Alexei n’y connaissait pas grand-chose, que ce soit en amour, enfants ou inceste, mais il savait que ce n’était pas normal. Que c’était malsain. Une question le taraudait, néanmoins.
    Comment avait-il réussi à convaincre Nastassia ?

    Rencontre. Onze ans.
    Ce fut sur le toit qu’Alexei fit la rencontre qui allait bouleverser sa vie. Il se hissa sur le balcon, bondit sur le toit, dérapa, se rattrapa de justesse. Se dirigea vers son point favori, à l’extrémité du toit.
    Un homme s’y trouvait déjà.
    Particulièrement grand, une ombre de barbe sur ses joues creuses, une masse indomptable de cheveux bruns, la trentaine. La peau sombre, halée par le soleil, des yeux vifs et attentifs, noirs. Il lui manquait un doigt, l’index de la main gauche.
    Alexei se détourna aussitôt. Il ne voulait voir personne, et surtout pas un inconnu, sur ce toit qu’il s’était attribué deux ans plus tôt. Une voix grave s’éleva, charismatique et autoritaire.
    - Reste.
    Alexei s’immobilisa, fit volte-face, lentement. L’homme n’avait pas bougé, appuyé sur ses mains derrière lui. Après une longue hésitation, il s’approcha, s’assit à côté de lui, à la prudente distance d’un mètre environ. L’homme se tourna vers lui, sourit.
    - Je m’appelle Jeremiah.

    Surprise. Treize ans.
    Jeremiah et lui avaient beaucoup de choses en commun, et ils se revirent très régulièrement. Désormais, Alexei ne considérait plus ce toit comme le sien, mais comme le leur. Sa vie se partageait exclusivement entre cet homme étrange qui effleurait le monde de son regard sage, et Nastassia.
    Il s’était énormément rapproché d’elle, cette année, si c’était encore possible. Un pas de plus, et c’était la fusion. Nastassia passait de longues heures à parler, et lui écoutait, sans toutefois effacer totalement le souvenir écœurant qui empoisonnait sa mémoire. La question du comment restait toujours présente, comme une cicatrice qui ne disparaît jamais.
    Alexei, assis en tailleur par terre, écoutait sa sœur lui raconter sa vie, ses amis, ses études. Elle désirait devenir cardiologue, après avoir longuement hésité avec l’étude de l’autisme. Elle avait finit par comprendre que son frère ne l’était pas, mais il lui arrivait de lui parler comme avant, les mains en coupe autour du visage, les questions simples, directes. Cette façon de le forcer à se concentrer était reposante, et Alexei lui en était profondément reconnaissant.
    - Tu comprends, il va me falloir plus de dix ans d’études à partir de cette année avant de devenir cardiologue. Mais c’est vraiment ce que j’ai envie de faire. Je crois.
    Elle lui sourit, et il lui rendit son sourire. Nastassia tapota la couette à côté d’elle, et Alexei grimpa sur le lit, se blottit contre elle. Elle avait tressé ses cheveux, et portait des boucles d’oreilles ornées de plumes, qui lui chatouillait la joue. Il émit un son étranglé, qui ressemblait vaguement à un rire. Nastassia rit à son tour, un son mélodieux qui menait aussitôt au pays des rêves.
    Leurs visages étaient à quelques centimètres.
    Ce fut avec un naturel déroutant qu’il s’embrassèrent.

    Douleur. Treize ans.
    La porte s’ouvrit avec fracas. Sascha Karpoff entra dans la pièce, le visage blême et luisant de sueur, ses petits yeux porcins roulant dans leurs orbites.
    Alexei avait toujours éprouvé un mélange de respect, de crainte et de quelque chose qui ressemblait à du mépris pour son père. Mesurant à peine un mètre soixante-quinze, Sascha Karpoff était doté d’une épaisse bedaine, qui mettait à mal les boutons de sa chemise blanche soigneusement repassée. Son visage était épais et flou, comme si l’on avait vaguement mélangé ses traits. Son nez, minuscule et retroussé comme celui d’un lutin, était parsemé de taches de sons, ce qui rendait absolument ridicules ses petits yeux bleu électrique et ses bajoues disgracieuses. Les jambes courtes et le cou quasi-inexistants, il était étonnamment laid, et il était évident que la superbe Aleksandra l’avait épousé uniquement pour son compte en banque bien fourni.
    Sascha se précipita sur Alexei, qui avait bondit sur ses pieds et s’était recroquevillé contre la table de chevet. Avec une force surprenante pour un homme de sa taille et de sa corpulence, il souleva son fils et le plaqua contre le mur, où il lui asséna un monumental crochet du droit. Nastassia poussa un cri et Alexei gémit, tandis que son père le secouait comme un prunier.
    - Tu crois que j’allais te laisser toucher à ma fille, hein ? Tu crois que j’allais accepter que tu poses tes pattes de bâtard sur elle ?
    Nastassia sanglotait, la main plaquée contre la bouche. Sascha lâcha Alexei, qui s’écrasa sur le sol. Il porta sa main à sa joue douloureuse.
    - Ce n’est pas normal, ce n’est pas naturel ! hurla son père, ivre de rage.
    Il le releva brutalement, l’envoya valser à travers la pièce. Alexei atterrit sur le bureau, qui gémit sous son poids. Il agita vaguement les membres, tâchant de se souvenir comment on faisait pour marcher. Il roula sur le sol, et Sascha lui envoya une série de coups de pieds, avant de lui écraser la gorge avec son talon.
    - Tu n’es qu’un petit con illettré et stupide ! Tu te sens puissant, hein ? Tu crois vraiment que tu es capable de quelque chose ? Tu finiras à la rue et tu le sais très bien !
    Nastassia était blottie dans un coin de la pièce, tandis qu’Alexei se redressait lentement, tremblant de tous ses membres.
    - Parasite, déchet inutile et nuisible, siffla son père, avant de s’éloigner, fusillant du regard sa fille au passage.
    Nastassia se releva en vacillant, et se précipita vers son frère. Alexei respirait par saccades, et se laissa aller dans les bras de sa sœur, en larmes.

    Crise. Treize ans.
    Alexei n’était plus allé voir Jeremiah depuis l’incident. Il avait passé cinq jours alité, le temps de se remettre. Sa mère avait cru à une bagarre à l’école, et personne n’était allé chercher plus loin.
    Son père lui avait cassé le nez, gratifié d’un œil au beurre noir, d’une quinzaine d’hématomes et d’une large entaille sur la paume gauche, qu’il s’était faite en étant projeté sur le bureau. Il s’était ouvert la main avec un ciseau qui traînait sur le plan de travail. Il n’était pas allé à l’hôpital, aucune de ses blessures n’étant sérieuse et son père refusant de payer un quelconque frais de soin pour lui. Nastassia s’était occupée de désinfecter et de bander les plaies, mais Alexei se sentait toujours aussi mal.
    Il savait que ce n’était pas normal, que ce n’était pas censé se passer comme ça. Son père le terrorisait, sa mère ne semblait s’apercevoir de rien, et sa sœur était complètement perdue. Il se sentait pathétique, minuscule. Un ridicule petit grain de sable ballotté par des forces herculéennes. Il avait treize ans, et il s’était fait tabassé par son père, parce qu’il avait embrassé sa sœur. Ledit père se tapait également ladite sœur, pour des raisons encore inconnues. On se serait cru dans un mauvais roman, dans une histoire d’horreur. Mais si ç’avait été le cas, Alexei se serait relevé, aurait battu son père à plate couture et serait devenu un héros.
    Mais non. Alexei était un enfant de treize ans, terrorisé et couvert d’hématomes, et il ignorait comment se sortir d’une situation aussi improbable.

    L’incident survint un samedi matin, alors qu’Alexei observait l’horizon à travers la fenêtre de sa chambre. Il faisait particulièrement chaud, et la moiteur étouffante envahissait chaque recoin de la pièce. L’adolescent commença à tousser, une petite toux sèche. Il savait que c’était le signe avant-coureur d’une crise d’asthme. Il sentit aussitôt une oppression dans sa poitrine, son cœur s’accélérer, battre plus fort dans sa poitrine. Sa respiration se fit sifflante, très audible. Alexei fouilla ses poches. Pas d’inhalateur. Il arqua les sourcils, vérifia sa table de nuit, ses vêtements sales. Il se sentait mal, commençait à paniquer. Il frappa faiblement contre le mur, appelant sa sœur, inlassablement, entre deux inspirations sifflantes. La porte s’ouvrit, Nastassia entra, les yeux agrandit par la surprise. Elle s’approcha de lui, encadra son visage de ses mains.
    - Où est son inhalateur ? demanda-t-elle fermement.
    Complètement paniqué à présent, Alexei secoua la tête, les yeux luisants de frayeur. Nastassia ouvrit les tiroirs de la table de nuit. Le premier était normalement entièrement rempli de plusieurs inhalateurs neufs, de la ventoline, de la terbutaline et du sarbutamol. Rien. Il était vide.
    Alexei se plaqua la main contre la poitrine. Il sentait son cœur s’affoler, comme un petit oiseau. Le sifflement s’accentua, et sa respiration s’accéléra encore, perdant en profondeur. Nastassia s’assit derrière lui, le positionnant entre ses jambes de façon à ce que ses épaules reposent sur sa poitrine. Elle s’efforça de respirer lentement, lui prit la main, posa son menton sur ses cheveux.
    - Okay, Alexei, ça va aller, il faut juste que tu te concentres. Tu vas écouter ma respiration. Tu la sens ? Parfait, écoute-là bien, concentre-toi sur elle, ferme les yeux et concentre-toi sur elle.
    Alexei ferma les yeux, tâchant d’oublier tout le reste, de se focaliser sur le mouvement lent et profond de la poitrine de Nastassia derrière lui.
    - On respire ensemble. Tu respire avec moi, d’accord ? Tu respires avec moi.
    Alexei acquiesça mollement. Sa respiration s’approfondit lentement, et il rouvrit les yeux.
    - Il doit y avoir des médicaments de crise en bas. Je vais les chercher. Tu ne bouges pas, d’accord ? Tu ne bouges pas, et tu respires.
    Alexei hocha de nouveau la tête et dut se retenir d’aggriper la main de sa sœur tandis qu’elle s’éloignait en courant. Il l’entendit fouiller, des bruits de boîtes heurtant le sol, puis des pas rapides sur l’escalier et elle était de nouveau là, un broncho-dilatateur à la main.

    Vengeance. Treize ans.
    Sascha était assis sur son lit, et observait le petit monticule de médicaments sur les draps.

    Fuite. Quatorze ans.
    Il était onze heures du matin, et Alexei venait d’émerger d’une douche glacée. Nastassia était partie il y a deux mois pour faire ses études au nord, et elle lui avait proposé de passer la voir. Alexei avait accepté avec enthousiasme, bien qu’il n’ait aucune envie de monter dans un train. Le voyage aurait été plus court en avion, mais il en était tout bonnement incapable.
    L’adolescent se sécha les cheveux en les frottant sans délicatesse avec une serviette, pivota sur ses talons et rentra dans sa chambre. Ses parents travaillaient – sa mère était secrétaire, quant à son père, il n’en avait sincèrement aucune idée – et la maison silencieuse lui semblait calme, reposante. Il enfila un caleçon et un jean, boucla la ceinture que Nastassia lui avait offert pour son anniversaire, et enfila une chemise blanche. Elle était un peu trop grande pour lui, et il n’aimait pas vraiment les chemises, mais il voulait être beau pour voir sa sœur. Alexei s’ébouriffa les cheveux d’un geste distrait, et caressa au creux de son cou un minuscule pendentif baroque, une breloque qu’il avait acheté pour moins d’un dollar sur Internet – c’était Nastassia qui lui avait donné son code de carte de crédit. Elle avait dix-neuf ans, à présent, c’était une vraie femme. À l’intérieur de a petite coque métallique, une petite mèches de cheveux blonds roulés en boule.
    Il s’empara de son portefeuille – neuf dollars et vingt-trois cents – et le glissa dans sa poche, avec un couteau suisse offert par Jeremiah, un paquet de chewing-gums à la menthe, un inhalateur et un crayon. Sans vraiment réfléchir, il s’empara aussi d’un petit dé cabossé qu’il avait trouvé sur le toit, et le fourra dans sa poche. La sonnerie retentit soudain, et Alexei se tendit, méfiant.
    La sonnerie retentit, deux fois, trois fois, comme si quelqu’un appuyait frénétiquement sur le bouton. Alexei dévala l’escalier – du moins avec sa lenteur habituelle – et observa l’intrus par le judas. C’était Jeremiah. Alexei ouvrit la porte, et l’homme s’engouffra à l’intérieur. L’adolescent se plaqua contre le mur, aussitôt tendu comme un arc. Il n’aimait pas les surprises, et celle-ci semblait être de taille.
    Jeremiah était couvert de sang. Des taches écarlates mouchetaient sa veste et son visage, et ses yeux noirs étaient écarquillés par la pression.
    - Qu’est-ce que tu fais encore là ? aboya Jeremiah, en tournant dans le hall comme un lion en cage.
    - Pourquoi… Du sang ?
    Alexei terminait rarement ses phrases comme elles avaient commencé. Jeremiah s’immobilisa, hagard.
    - Tu ne sais rien ? demanda-t-il, médusé.
    - Rien ? répéta Alexei, indécis.
    - Okay, okay, tout va bien se passer. Il faut que je te sorte d’ici. Il faut qu’on s’en aille.
    - Quoi ? Mais…
    - Tais-toi ! C’est une question de vie ou de mort, gamin ! Viens.
    Jeremiah l’entraîna dans la cuisine – sachant qu’il n’était venu qu’une fois, Alexei s’étonna qu’il ait une si bonne mémoire – et choisit trois gros couteaux de cuisine, soigneusement aiguisés. Il en fourra un dans chaque main de son protégé, et mis le dernier dans une poche de son manteau miteux.
    Alexei décida qu’il préférait se taire, et le suivit sans discuter. En un sens, c’était bon, d’avoir quelqu’un sur qui compter, quelqu’un qui savait quoi faire. Ses deux couteaux de boucher à la main, il sortit, toujours pieds nus, sans la moindre idée de leur destination finale.
    L’énorme Kawasaki de Jeremiah les attendait, monture loyale et fidèle au poste. L’homme l’enfourcha, caressant le réservoir de sa main estropiée, et Alexei l’imita. Il hésita un instant, puis glissa les couteaux dans ses poches et s’aggripa à la taille de Jeremiah. La moto démarra en trombe, et elle bondit sur la route.

    Le monde semblait distordu, décharné. La Kawasaki mordait la route, et Jeremiah murmurait une poésie en ce qui semblait être de l’hébreu. Ils atteignirent bientôt la nationale, et il accéléra, les kilomètres filant sur le compteur.
    Alexei observait les alentours, épouvanté.
    Il n’y avait personne. Ou plutôt, il y avait quelqu’un, mais ce n’était pas des personnes. Des amas de chairs à la vague forme humaine, vêtus de haillons, dont des morceaux s’écoulaient, comme un bonhomme de neige qui fond. Il ne les aperçut que de loin, à une cinquantaine de mètres. Les créatures tournaient leurs regards mornes vers la moto et ses passagers, mais ne faisaient aucun geste laissant penser qu’ils désiraient l’arrêter. Peut-être était-ce dû à leur extrême lenteur et au manque évident de coordination de leurs mouvements. Alexei resserra sa prise sur Jeremiah, terrorisé, et ferma les yeux.

    Dieu. Quatorze ans.
    Ils roulèrent, longtemps, très longtemps. Les pieds nus d’Alexei étaient engourdis par le froid, et il entendait les grognements du ventre de Jeremiah qui, pourtant, ne faisait pas signe de vouloir s’arrêter. Ils mangèrent une barre énergétique en continuant d’avancer et ils s’arrêtèrent enfin, au crépuscule, près d’une caravane abandonnée. Jeremiah bondit de la moto, s’étira, puis observa le lieu qu’il fouilla de fond en comble. Alexei observa ses orteils, muet d’angoisse.
    - On va rester là pour la nuit.
    - Où… On va ? murmura Alexei, la voix enrouée.
    Jeremiah l’observa un moment, un sourire sans joie sur ses lèvres fines, ses cheveux fous encadrant son visage taillé à la serpe.
    - Tu vois, le bâtiment, là-bas ? dit-il en désignant une bâtisse lointaine.
    Alexei acquiesça, scrutant l’horizon.
    - C’est Sun City. Un refuge, pour ceux qui n’y sont pas encore passés. C’est un ami qui m’a appelé là-bas.
    - Pourquoi on ne va pas ?
    - Il va faire nuit, c’est plus sûr de rester ici. Il ne vaut mieux pas voyager la nuit, et c’est ce qui me paraissait le plus solide dans un rayon d’un kilomètre.
    Alexei songeait plus sage de parcourir le plus de distance possible avant la tombée de la nuit, puis de continuer dans l’obscurité, afin d’atteindre Sun City le plus rapidement possible, mais il se tut. Il avait confiance en Jeremiah, et il le savait taillé pour survivre.
    Alexei et Jeremiah s’assirent sur le marchepied de la caravane. Jeremiah plongea la main dans son manteau et en sortit un livre petit mais épais, au papier très fin et à l’écriture serrée. C’était de l’anglais. Alexei le désigna du doigt, et Jeremiah le lui agita sous le nez.
    - C’est ma Torah. Je suis Juif, si tu ne le savais pas. Dans une situation comme celle-ci, il me suffit de prier, et tout s’arrange. Toujours.
    Il hocha la tête, et Jeremiah commença à lui lire certains passages de son livre.
    Alexei n’avait jamais cru en Dieu. L’idée que quelqu’un, là-haut, puisse les surplomber, les connaître tous, et leur envoyer autant d’épreuves dans la gueule, lui paraissait risible, dépassée. Néanmoins, savoir que quelqu’un comme Jeremiah croyait en Dieu modifiait son avis négatif à l’égard de la religion. Il ne serait jamais croyant, mais savait que des gens biens l’étaient, et ça lui suffisait.
    Jeremiah murmura une prière puis se leva et s’épousseta les genoux. Alexei s’apprêtait à lui demander ce qu’étaient les créatures qu’il avait vu, et pourquoi ils fuyaient. Cette question était vitale, mais il avait trop peur de connaître la réponse.
    Il ne la sut jamais. Pas de la bouche de Jeremiah, en tout cas, qui poussa un hurlement rauque lorsqu’un zombie lui planta les dents dans l’épaule. Il plongea la main dans les replis de son manteau, en dégaina le couteau de boucher et décapita la créature d’un revers sec. La tête heurta le sol avec un bruit visqueux, puis cligna des yeux et roula sur elle-même. Alexei recula contre le flancs de la caravane, épouvanté. L’adrénaline n’avait pas encore libéré la terreur qui coulait dans sa veine mais ça ne tarderait pas et il savait très bien que, bientôt, il s’effondrerait.
    Jeremiah piétina la tête de la créature avec ses grosses Rangers, puis se tourna vers Alexei. Son épaule ruisselait de sang, ainsi que d’une sécrétion épaisse et jaunâtre qui ressemblait à du pus.
    Jeremiah lui tendit sa Torah. D’une main tremblante, Alexei s’en saisit.
    - Je vais mourir, déclara calmement Jeremiah, un sourire léger flottant sur ses lèvres gercées. Ça fait longtemps que je veux savoir comment ça fait.
    Alexei posa sa main contre sa bouche. Il avait envie de mourir, lui aussi, soudainement.
    - Va à Sun City. Vas-y, maintenant.
    Alexei acquiesça, serra la Torah contre lui et courut en direction de la sinistre bâtisse.


Dernière édition par Alexei le Mer 31 Aoû - 11:57, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Alexei. Did you know the sun was gonna die ?   Alexei. Did you know the sun was gonna die ? Icon_minitimeMar 30 Aoû - 18:35

Bienvenue Smile
Chez les Juïfs, c'est pas la Bible, c'est une thorah (jsais pas comment ça s'écrit)
L'histoire est super intéressante, t'as développé à fond et c'est quand même agréable à lire Smile
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MessageSujet: Re: Alexei. Did you know the sun was gonna die ?   Alexei. Did you know the sun was gonna die ? Icon_minitimeMar 30 Aoû - 19:20

    Bienvenue ^^
    Codes bons, en attendant la suite ♪
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MessageSujet: Re: Alexei. Did you know the sun was gonna die ?   Alexei. Did you know the sun was gonna die ? Icon_minitimeMar 30 Aoû - 19:23

Hey Luniiiiiie **
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MessageSujet: Re: Alexei. Did you know the sun was gonna die ?   Alexei. Did you know the sun was gonna die ? Icon_minitimeMer 31 Aoû - 9:32

Tout le monde a une histoire qui fait six pieds de long, c''est flippant @_@ Elle est bien à lire, cela dit xD
Bienvenue ♥
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MessageSujet: Re: Alexei. Did you know the sun was gonna die ?   Alexei. Did you know the sun was gonna die ? Icon_minitimeMer 31 Aoû - 11:30

Bienv'nuue Lu' ♥
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MessageSujet: Re: Alexei. Did you know the sun was gonna die ?   Alexei. Did you know the sun was gonna die ? Icon_minitimeMer 31 Aoû - 11:59

    Merci (:
    Hrmpf, ça en dit long sur mes connaissances en religion (Aa) Modifié, merci.
    Je termine le caractère ce soir, et l'image... Barf, quand je peux.
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Alexei. Did you know the sun was gonna die ?
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