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 † Jacob.

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Jacob
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Jacob


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MessageSujet: † Jacob.   † Jacob. Icon_minitimeSam 27 Aoû - 14:53

† Jacob.


    Nom : Stark.
    Nom d’origine : Theissen.
    Prénom : Jacob.
    Deuxième prénom : Zacharias.
    Sexe :
    Âge : 26 ans.
    Origines : Allemand.
    Emploi : Ingénieur en informatique. S’occupe principalement des ordinateurs, touche parfois aux réseaux, Internet ou Intranet.
    Taille : 1m87.
    Corpulence : Assez musclé.
    Groupe sanguin : B positif.
    Né un 27 décembre.

    † Jacob. 1448828904-newrefjacobersatzflat
    Spoiler:

    Signe(s) Particulier(s) :

    Physique :
    + Il a le teint assez blême. Sans doute à cause de ses origines allemandes.
    + Il possède une masse capillaire assez… impressionnante.
    + Il porte de nombreux ornements religieux sur lui. Que ce soit au poignet, aux oreilles ou au cou. Voire même dans son dos : le bas de son dos est orné d’une grosse croix inversée qui descend jusqu’au bas de ses reins.
    + Son nez est barré d’une importante cicatrice. Son sourcil gauche est également abimé, scindé en trois par deux autres cicatrices qui sont presque invisibles.
    + Il a d’énormes problèmes de santé et sa vie est rythmée par d’atroces migraines qu’il redoute plus que tout.

    Psycho :
    + Jacob, comme un certain nombre de migraineux sur cette planète, est totalement dépendant du dextropropoxyphène. Le seul moyen pour lui de se sentir normal est de prendre des cachets en contenant au moins une fois par jour. Mieux vaut ne pas imaginer ce que cela donnerait, si jamais il en était privé pendant plus de 24 heures. Inutile, donc, de dire que sa priorité absolue, avant même sa propre survie, sera de se procurer des médicaments. Parce que l’état de manque est bien, bien pire que la mort.
    + Il aime beaucoup les araignées. Ce sont des créatures qui l’ont toujours passionné, et il se prend systématiquement d’affection pour celles qui vivent sous le même toit que lui.


    Caractère :

    Le moins que l’on puisse dire, c’est que Jacob cache bien son jeu, et ça, n’importe lequel de ses amis vous le dira. Le regard perdu, l’air un peu à l’ouest, une conversation parfois déplorable, Jacob peut vite donner l’impression d’être à côté de la plaque, voire même, pourquoi pas, assez idiot. Eh bien sachez déjà que c’est faux. Parce qu’en fait, Jacob est malin, très malin.
    Une remise à niveau scolaire brutale après son adoption et une enfance ponctuée de faits tragiques auront en effet fait de lui un individu à l’intelligence indéniable et à la maturité précoce. Jacob est, et a toujours été, un matheux : adepte des casses-tête et savants calculs, Jacob est quelqu’un qui construit ses pensées autour de raisonnements logiques et pointilleux, d’observations méticuleuses. Il s’avère être également un homme relativement passif : s’il aime énormément la compagnie, il attendra toujours que ce soit vous qui fassiez le premier pas dans sa direction. Adressez-lui la parole et vous pourrez discuter avec lui tout à fait normalement ; ne vous attendez cependant pas à ce qu’il fasse preuve d’un charisme éclatant une fois celle-ci engagée : Jacob est quelqu’un d’extrêmement réservé et il a bien souvent du mal à agir de façon naturelle. Les discussions sont pour lui un perpétuel jeu de réflexion et ce phénomène est d’autant plus important lorsqu’il ne connait pas bien la personne à qui il s’adresse. Quelle attitude adopter, quelles phrases employer : Jacob n’est pas spontané, et cela peut s’avérer assez problématique. Finalement, quand il vous parle, il cherche à vous faire plaisir, à s’adapter à vous, dans le but d’apparaître aussi normal que possible à vos yeux. Et en fait, si on y réfléchit bien, il ne vous dévoile jamais qui il est vraiment. Il ne fait que piocher des répliques dans une base de données variant en fonction de ses interlocuteurs.
    Mais peut-être n’est-ce pas un si grand mal que ça. Car Jacob est en vérité un homme extrêmement torturé, rongé par le remords depuis sa plus tendre enfance, totalement dénué d’amour propre, et incapable de s’accorder une quelconque estime. Jacob s’en veut. Oui, il s’en veut terriblement.
    Responsable de la mort de sa mère dès sa naissance, élevé dans un premier temps par un père ayant perdu toute joie de vivre suite au décès de sa bien aimée, père qui se sera suicidé avant son troisième anniversaire, incapable de supporter plus longtemps la solitude, et dont il aura veillé le cadavre pendant cinq longues journées avant que les secours ne pénètrent enfin chez lui, Jacob a vu ses premiers jours souillés par le sang de ses proches, et il sait pertinemment, au fond de lui, que rien de tout ça ne serait arrivé si seulement il n’était pas venu au monde. Ou, au moins, s’il avait eu la décence de ne pas naître deux mois avant terme. Son statut de prématuré le conduisant à évoluer dans un corps que l’on peut qualifier de « totalement mal foutu de l’intérieur », il jouit de surcroît d’un système immunitaire défectueux et est en proie à de terribles migraines. Celles-ci l’ayant conduit dans un premier temps à se couper du monde extérieur - un simple sentiment trop brutal suffit généralement à déclencher ses maux de tête -, puis à sombrer dans une totale dépendance : l’apparition de la molécule du dextropropoxyphène lui ayant d’abord permis de se sentir renaître, il ne vit plus que par, et pour elle. Le schéma est simple : chaque soir, au moment de se coucher, et quand bien même l’abus de la substance peut s’avérer dramatique pour le cœur voire le foie de ceux qui la prennent, Jacob prend deux propofans - ou deux pilules de l’un de ses génériques. Qu’il ait mal ou non. Ce, dans un simple but préventif. Car ceux qui souffrent des migraines savent que la nuit peut-être le pire des ennemis. Il ne peut s’y soustraire. Si dans les premiers temps – enfant, il se contentait d’un seul, mais l’accoutumance l’a bien vite conduit à augmenter les doses – le fait d’avaler un cachet lui était simplement nécessaire – il ne pouvait alors s’endormir, dévoré par la peur de se réveiller dans la douleur, et ne se sentait bien qu’une fois le médicament avalé -, la prise de sa « dose quotidienne » est aujourd’hui une véritable obsession pour lui. Il n’en a jamais loupé une seule de toute sa vie, et n’a donc aucune idée de la façon dont pourrait réagir son organisme s’il ratait le coche. Néanmoins, il sait qu’il lui faut à tout prix éviter cela. Jacob est donc un junkie, à sa manière. Sa poudre est blanche mais bien différente de celle qui court sur la plupart des marchés illicites. Et le plus terrible, c’est que même s’il le nie, il en est totalement conscient.

    Et cette connaissance de ses propres faiblesses ne fait que le conduire à baisser un peu plus dans son estime. Jacob est quelqu’un de las, qui a perdu tout espoir de voir quelque chose de bien arriver dans sa vie. Insultez-le et il vous laissera parler : il sera persuadé que de toute façon, vous avez raison, car il n’est qu’un bon à rien. Frappez-le et il n’est même pas certain qu’il riposte. Dans le fond, il doit penser que le fait d’endurer ainsi mille et une souffrances est un moyen pour lui d’expier ses péchés – peut-être que c’est là la justification de toutes ces croix inversées dont il s’affuble en dépit de son athéisme, si l’on exclut tout l’attachement qu’il portait – et porte encore – à sa mère adoptive, elle, catholique confirmée. Néanmoins, il est une chose qu’il vous faudra à tout prix éviter si vous ne voulez pas attiser sa colère – qui, bien que rare, s’avère être véritablement démoniaque : ne vous en prenez jamais, jamais, à l’un de ses proches. Surtout si ce proche est lié avec lui par le sang.

    Protecteur, Jacob reste en effet un ami fidèle et dévoué – voire un très bon amant, si l’on ferme les yeux sur son manque d’estime personnelle, et si l’on aspire à prendre soin des êtres brisés. Prêt à vous suivre dans tous vos plans foireux – pour y ajouter une petite touche de raison et de modération, pourquoi pas – et à vous filer un coup de main en toute occasion. Peut-être bien un peu trop dépendant de ses proches. Car les gens à avoir jamais voulu lui de lui demeurent rares. Ceux-là, il y tient plus que tout et leur est extrêmement reconnaissant. Car aussi blasé soit-il, il ne peut qu’offrir sa gratitude à ceux qui auront bien voulu s’intéresser à sa misérable personne. D'autant plus que la cicatrice qu'il arbore aujourd'hui au visage l'a longtemps complexé et continue aujourd'hui de lui donner le sentiment qu'il n'est qu'un monstre repoussant.
    Bon conseiller et excellent confident, il gardera tous vos secrets mais ne vous confiera pas l’un des siens. Penseur et pensif, il s’isolera bien des fois pour ressasser ses idées noires, ou élaborer de savants mécanismes si vous avez l’idée de le lui demander. Capable d’assimiler une grande quantité d’informations en un temps record, il se joindra à vous pour vos folles escapades suicidaires. Après tout, il n’a plus rien à perdre. Et s’il peut se montrer utile, pour une fois, il le fera avec joie.
    Musicien d’exception, il maniera l’archet comme un virtuose. Fournissez-lui un violoncelle et vous ne serez jamais déçu. La musique est son seul refuge qui ne soit pas pur produit des industries pharmaceutiques. Il sait également jouer de la contrebasse, un peu de violon, peut bricoler quelques morceaux au piano. Mais c’est dans le violoncelle qu’il excelle. Enfin. Le violoncelle et l’harmonica. Mais ça, c'est un secret. Personne n’a jamais su qu’il en jouait.


    Inventaire :

    Vêtements :
    + Une chemise noire.
    + Un jean noir.
    + Une ceinture.
    + Une paire de Converses
    + Un boxer gris.
    + Une paire de chaussettes noires.

    Accessoires et autres :
    + Une sacoche.
    + Trois boîtes de Dextropropoxyphène Paracétamol Caféine.
    + Un harmonica.
    + Un porte-feuilles contenant ses papiers et 15$.
    + Une paire de Ray-bans dans leur étui en cuir – quand même !
    + Un bracelet en cuir.
    + Un double chapelet à son poignet.
    + Un autre chapelet à son cou.
    + Un collier type « crucifix ».
    + Un trousseau de clefs.
    + Un téléphone portable type Blackberry.
    + Un piercing au niveau du cartilage de l’oreille gauche.
    + Une paire de boucles d’oreilles type « Crucifix Black&White »


    Argent possédé à l’arrivée : 15$


Dernière édition par Jacob le Dim 29 Nov - 21:53, édité 10 fois
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MessageSujet: Re: † Jacob.   † Jacob. Icon_minitimeSam 27 Aoû - 14:54

    Jacob - Histoire :

    Irxleben, Allemagne. Un 27 décembre.
    3h 17.


    A bout de souffle, elle serrait compulsivement les dents, tentant tant bien que mal d’étouffer les gémissements plaintifs qui entrecoupaient chacune de ses inspirations. Cela faisait bien longtemps qu’elle avait abandonné l’idée d’une aide qui n’ait pas été la sienne. Et même si l’idée en elle-même suffisait à la terrifier comme elle ne l’avait jamais été, elle savait, dans le fond, qu’elle ne pourrait continuer bien longtemps à ce rythme-là. Et elle savait aussi pertinemment qu’on lui imposerait pourtant de tenir cette cadence infernale. Elle savait qu’elle ne parviendrait pas à garder le cap.
    Elle savait qu’elle ne passerait pas la nuit.
    Un hurlement de douleur roulant le long de sa gorge, elle chercha désespérément le contact du tissu qui reposait sous elle. Ses longs ongles fouillant les draps à présent mouchetés de noir sous la lueur blafarde des quelques bougies qui traînaient dans la pièce, elle s’évertua à pousser, essaya, encore et encore, d’ignorer cette souffrance abominable qui lui rompait les côtes. Un feu incontrôlable semblait embraser son visage et sa vision brouillée par les larmes et sa conscience errante ne lui permettaient même plus de distinguer les yeux noirs de l’homme à ses côtés. Elle chercha pourtant à le voir, tournant mollement la tête sur la gauche. Sa silhouette floue continuait de planer au-dessus d’elle. Elle devina qu’il lui parlait alors que des paroles confuses se bousculaient dans ses oreilles.
    Elle voulut sourire de toutes ses forces mais n’en fut pas capable. Elle baignait dans un flot de sang, et lui, il tentait de cacher son affolement dans l’espoir de la rassurer.
    Alors qu’elle allait lui murmurer quelque chose, une nouvelle vague de douleur lui scia le bas-ventre. Et cette fois-ci, elle ne put contenir ce cri qui lui rongeait l’être.

    Irxleben, Allemagne. Un 27 décembre.
    4h 03.


    Dans la petite chambre, quelque chose hoqueta. Les plaintes de la femme avaient finalement cessé et c’était une autre créature qui prenait la relève. Les pleurs aigus retentirent tandis qu’il poussait un soupir de soulagement.
    Il avait bien cru que le bébé était mort.
    Un sourire confus éclairant faiblement son visage, le minuscule paquetage serré contre son torse, il leva les yeux en direction de sa femme, qui demeurait inerte. Resserrant son étreinte, il s’avança vers elle, manquant de glisser sur la flaque sombre qui tapissait le sol. Il se rattrapa de justesse au drap, ignorant le contact humide de ce dernier sur sa peau. S’approchant d’elle, il souffla doucement :
    « Maria… Maria, réveille-toi !
    Pas un mouvement en provenance du corps étendu sur le lit.
    - Maria, c’est fini, tout va bien ! C’est un petit garçon !
    Mais évidemment, elle ne bougeait pas. Il approcha sa main à présent couverte de sang de son visage, tremblant. Lui caressa délicatement les lèvres, maudissant cette coupure de courant qui les plongeait dans l’obscurité depuis deux jours déjà. Il scrutait l’ombre dans l’espoir d’apercevoir le regard doux et bienveillant de celle qui partageait sa vie. Caché derrière un fouillis tumultueux de cheveux accolés entre eux par la sueur.
    - Maria…
    Sa voix tressaillit.
    - Maria ! »
    Elle ne répondit jamais.

    Hôpital de Magdeburg, Allemagne. Un 27 décembre.
    4h 03.


    « Vous vouliez me voir ?
    Il se frotta lentement la nuque, manquant de grimacer à la sensation de tiraillement qui parcourait son visage entier. Les cheveux en bataille, il dévisageait l’homme en blouse blanche d’un air inquiet. Et avant même que l’autre ait pu ouvrir la bouche, il sentit les larmes qui commençaient à perler à ses yeux.
    - Mr. Theissen, c’est bien ça ?
    Il papillonna rapidement des yeux, secouant faiblement la tête.
    - Raffael suffit.
    L’autre le considéra un instant avant d’acquiescer.
    - Raffael. Je dois vous demander… dans combien de temps votre femme était-elle censée accoucher ?
    Il entrouvrit la bouche et les mots se perdirent avant même d’avoir pu être formés. La gorge sèche, il demeura un long moment immobile, incapable de lever les yeux. C’est au bout d’une minute de silence que l’homme s’impatienta.
    - Mr. Theissen ?
    - Je… deux mois et demi, bafouilla Raffael en relevant finalement le menton.
    - D’accord… répondit pensivement le Dr. Kaifer .
    - Pourquoi vous voulez savoir ça ? demanda-t-il précipitamment. Le bébé va bien ?!
    Ce fut cette fois-ci le médecin qui tarda à prendre la parole.
    - Mr. Theissen. Votre fils n’aurait pas dû venir au monde si tôt.
    - Que… qu’est-ce que vous voulez dire ? Où est-il ?
    - Votre fils est actuellement dans un service spécial de notre maternité. Son statut de prématuré l’a exposé à des dangers dont il aurait été préservé s’il était venu à terme. Le trajet en voiture que vous avez fait, le froid dû à la neige, le temps que vous avez mis à venir jusqu’à nous…
    - Vous insinuez que j’ai fait du mal à mon gosse ?
    - Non, non, bien sûr que non, fit-il calmement. Vous avez fait ce qu’il fallait. Néanmoins, je dois vous annoncer qu’il nous est arrivé en très mauvaise santé. Mais son état est à présent stable. Nous devons seulement le garder sous couveuse jusqu’à ce qu’il aille mieux.
    - Combien de temps ? s’affola Raffael en tressaillant.
    - Deux bons mois. Il faut que son corps se remette et que son système immunitaire compense la faiblesse due à sa venue au monde prématurée.
    - Deux mois ? bredouilla-t-il en dévisageant l’autre d’un air effaré.
    - Oui. Ne vous en faites pas. Nous prendrons soin de lui.
    - Mais je…
    - Raffael.
    Roderich Kaifer s’avança d’un pas avant de poser une main ferme sur l’épaule du jeune père.
    - Tout se passera bien, ne vous en faites pas. C’est nécessaire.
    Raffael ne sut quoi répondre, et ne put que continuer inlassablement de le fixer, sans pourtant vraiment le voir.
    - Vous pourrez venir le voir aussi souvent que vous le souhaitez. Il aura besoin de vous.
    Et il hocha enfin la tête sans prononcer le moindre mot.
    - Je… Je suis désolé pour votre femme.
    Les yeux baissés, il tarda encore à parler. Le sol lustré de l’hôpital semblait être le seul spectacle qu’il se permettait de contempler.
    - Docteur ?
    - Oui ?
    - Est-ce qu’il y aura des répercussions ?
    Roderich l’observa sans comprendre. Il lui coula un regard humide de douleur.
    - Je veux dire… est-ce que Jacob ira bien ? »

    Irxleben, Allemagne. Un 3 août.
    16h46.


    « Papa ?
    Plongé dans ses pensées, il ne broncha pas. Dans la pénombre de la pièce, il demeurait immobile, prostré sur le vieux lit duquel il n’avait pu se défaire. Il dut attendre que la voix retentisse une quatrième fois pour sentir en lui la force de répondre.
    - Papa ?
    Le petit garçon – âgé d’un peu plus de deux ans et dont la frêle silhouette se détachait dans l’embrasure de la porte – l’observait fixement, sa main gauche reposant contre le mur qui semblait supporter tout son poids. Il se redressa vivement, son dos émettant un craquement sinistre alors qu’il se décollait du sommier.
    - Jacob ? Qu’est-ce que tu fais ici ? Tu devrais rester allongé !
    L’enfant se contenta de le dévisager fixement et ne pipa mot.
    - Tu es malade, tu le sais bien ! Tu dois te reposer ! continua Raffael en descendant du lit pour se diriger dans sa direction.
    - Ca va, papa ? continua son fils sans cesser de l’observer.
    - Je… oui, ça va ! Allez, retourne dans ta chambre !
    - Mais…
    - Pas de mais ! Ton état va s’aggraver si tu te promènes comme ça dans la maison.
    - Mais…
    - Allez, hop ! fit-il en le poussant dans une autre pièce.
    Il l’attrapa par les aisselles et le souleva avant de le reposer sur le petit lit qui attendait sous une étroite fenêtre cachée par un rideau.
    - Mais… !
    - Jacob… soupira-t-il faiblement.
    Le garçonnet se renfrogna soudainement et baissa le nez, d’épaisses mèches noires venant cacher son regard.
    - Je suis désolé, souffla-t-il.
    - Ce n’est rien, répondit Raffael avec un sourire fatigué.
    - Si, poursuivit le petit. T’es triste. C’est à cause de moi. J’aurais pas dû partir du lit. Pardon.
    Et il prit une profonde inspiration avant de déclarer brusquement :
    - Je suis nul.
    Raffael s’arrêta un instant, les yeux rivés sur son fils qui continuait de baisser la tête. Un discret sourire fleurissait sur ses lèvres.
    - Tu n’es pas nul, déclara-t-il avant de passer sa main dans l’épaisse tignasse du petit. Ce n’est pas de ta faute, Jacob.
    - Mais tu es quand même triste. Je sais que c’est à cause de moi. Je suis tout le temps malade.
    - Mais non, mais non, répondit son père avec un petit rire. Tu es le meilleur des fils.
    - Mmmhh mhhh, fit l’autre en secouant la tête.
    - Jacob…
    Il passa son index sous le menton de l’enfant pour le forcer à le regarder. Son regard se voulait bienveillant et chaleureux. Malgré la tristesse qui le voilait depuis bien longtemps maintenant.
    - Je t’assure. Ce n’est pas de ta faute.
    - Mh. D’accord, déclara-t-il, l’air malgré tout peu convaincu.
    - Sûr ?
    - Sûr.
    - Bien…
    Il fit mine de se relever, étouffant une protestation tandis que les multiples courbatures qui endolorissaient son corps lui rappelait qu’un effort trop rapide ne lui était pas conseillé.
    - Tu sais ce qu’on va faire ? J’ai de la glace au frigo. Je vais nous préparer des coupes. On va en manger. Ca te va ?
    Et fut ravi de n’avoir aucun mal à apercevoir un sourire sur les lèvres du petit.
    - Oui.
    - Très bien, fit-il en se retournant. Je t’appelle dès que c’est prêt !
    - D’accord…
    Il était sur le point de passer la porte quand la voix de son fils l’interpela de nouveau.
    - Papa ?
    Il se retourna. Jacob le fixait de nouveau.
    - Dis… Maman, elle rentrera bientôt ?
    Et le regard de Raffael se ternit de nouveau.
    - Je ne pense pas, fit-il doucement. Elle fait un très long voyage.
    - Elle rentrera quand ?
    - Je ne sais pas, souffla-t-il.
    Il fit volte-face.
    - Je t’appelle quand les glaces sont prêtes.
    Jacob sursauta tandis que la porte de sa chambre claquait derrière son père. Il resta assis là, le teint éternellement blême, recroquevillé sur lui-même, ses fines jambes rabattues contre son torse. Ses mains fragiles les enserrant, tressautant par moments. Et un murmure s’échappa d’entre ses lèvres.
    - Quand maman reviendra… tu seras plus triste, papa.
    Il resserra son étreinte, plaquant de toutes ses forces ses genoux contre sa poitrine.
    - J’en suis certain. »
    Dans la cuisine, de l’autre côté du mur, Raffael s’affalait sur une chaise, et, son visage enfoui dans ses mains tremblantes, retenait désespérément les sanglots qui secouaient tout son corps.


    Irxleben, Allemagne. Un 25 décembre.
    23h 00.


    Dehors, la tempête de neige faisait rage. Mais il ne s’en souciait pas. Mais il ne s’en souciait plus.
    Dehors, la tempête de neige faisait rage. Mais il n’en avait que faire. Bientôt, il ne la verrait plus.
    Sa main grelottante fouillait le tiroir avec fébrilité. A la faible lueur des chandelles, il scrutait l’obscurité. Tâtonnant en silence, il sentit bien vite une masse dure entre les vêtements. D’un geste précautionneux, il se saisit du petit paquet.
    Reculant jusqu’à se laisser tomber sur le lit, il baissa les yeux, fixant longuement le tas de tissu qui attendait entre ses mains. Déjà, sa vue devenait trouble et il sentait les larmes qui dégoulinaient le long de ses joues. Et si son corps menaçait de le lâcher à tout moment, sa conscience ne faiblissait pas. Sa conscience ne faiblirait pas. Il ne tenait plus. Il n’en pouvait plus. C’était plus que de la douleur. C’était du désespoir.
    C’était le plus abominable des malheurs qui le consumait de l’intérieur.
    Les pans de tissu s’effacèrent pour dévoiler la coque noire et luisante d’un revolver. Il le regarda un instant, puis s’en saisit lentement.


    Irxleben, Allemagne. Un 25 décembre.
    23h 03.


    Dehors, la tempête faisait rage. Et pourtant, il n’y avait pas un bruit pour venir troubler le lourd silence qui planait sur la petite maison. Dehors, la tempête faisait rage, et bientôt, il ne le saurait plus.
    Assis sur le rebord du lit, à l’endroit-même où elle était morte, Raffael levait l’arme, face à lui. Et si Maria n’était plus là depuis bien des années, il l’entendait, toujours. Il n’avait jamais cessé de l’entendre. Elle ne lui avait pas répondu, cette nuit-là. Elle ne lui avait plus jamais répondu. Mais pourtant, dans sa tête… pourtant, elle était toujours là. Il entendait sa voix qui murmurait à son oreille, il sentait son souffle chaud tout contre sa nuque, il percevait son odeur si douce et si sucrée, et il la sentait, tout près de lui. Il la sentait à ses côtés mais cela ne lui suffisait pas, cela ne lui suffisait plus. Il la sentait à côté de lui et ce simple fait suffisait à faire de sa vie un enfer : il ne pouvait se résoudre à ne plus jamais la voir, mais sa simple présence à côté de lui, aussi fictive soit-elle, lui était invivable. Raffael était fatigué, usé, brisé : Raffael se sentait lâcher prise et à présent plus rien, absolument plus rien ne comptait.
    Il se sentait partir et le seul soulagement qui parvenait à alléger sa peine était celui de bientôt voir toute cette sombre mascarade s’achever.
    Il se sentait quitter terre et alors que le canon de l’arme reposait dans sa bouche, calé contre ses dents, un cliquetis fendit l’atmosphère.
    Il l’entendait, oui. Il l’entendait alors qu’elle prononçait son nom à voix basse, il l’entendait alors qu’elle l’appelait. Raffael. Raffael, Raffael ! Raffael !
    Raffael !
    Raffael !!
    Il l’entendait mais elle n’était pas là. Il l’entendait mais elle n’était plus là. Il l’entendait, encore et toujours. Il l’entendait alors qu’elle se penchait sur lui pour caresser ses cheveux, il l’entendait alors qu’il cherchait vainement le sommeil, pendant la nuit noire, il l’entendait à chaque heure, à chaque minute, à chaque instant. Il l’entendait encore et encore.
    Il l’entendait mais il ne le supportait plus.
    Il l’entendait mais ne pouvait plus l’accepter.
    Il l’entendait, oui.
    Et bientôt, il ne l’entendrait plus.
    Oh, non. Maintenant, il ne l’entendait plus.
    La gâchette céda sous la pression qu’il exerçait sur elle et il y eut une détonation sourde. Quelque part dans une pièce voisine, il y eut une exclamation de terreur.
    Oh, non.
    Maintenant, il ne l’entendait plus.



    Irxleben, Allemagne. Un 25 décembre.
    23h 04.


    « PAPA !!! »
    Sa voix se répercuta en écho tout autour de lui tandis qu’une terrible douleur lui transperçait le crâne. Etouffant un gémissement de douleur, il se recroquevilla sur lui-même, les mains serrées contre sa tête, les yeux fermés avec force. Ses doigts s’enfonçaient durement dans ses longues mèches et le mal ne tarissait pas. Il avait littéralement l’impression que la partie droite de son encéphale était sur le point d’éclater.
    Et pourtant, et pourtant, si seulement cela avait pu être le cas ! Si seulement cette souffrance avait pu s’envoler !
    Sentant un haut-le-cœur secouer tout son corps, il se pencha rapidement sur le côté tandis qu’un liquide blanchâtre s’échappait de sa gorge pour aller s’écraser sur le plancher. Tremblant, transpirant, il attendit longtemps que les spasmes se calment, que son cœur cesse de s’emballer, de retrouver la force de bouger. Il tendit l’oreille, à l’affût du moindre son. Mais il n’y avait pas un bruit dans la maison. N’avait-il pas appelé ? Papa n’était-il pas réveillé ? Quel était donc ce bruit qui lui avait fait si peur ? Papa n’était-il donc pas là pour venir l’aider ?
    A tâtons, Jacob s’extirpa hors de ses draps, veillant à ne pas marcher dans la souillure qui baignait le parquet, et se dirigea en titubant vers la porte de sa chambre, ses pieds nus butant à chaque pas, manquant de s’écrouler sous cette migraine dont il ne parvenait à se défaire. Tournant la poignée de la porte, il se retrouva bien vite au beau milieu d’un salon plongé dans les ténèbres. Scrutant l’obscurité, il se dirigea machinalement dans la direction qui menait à la chambre de son père. Pénétra à l’intérieur. Et se figea sur place.
    Une masse noire gisait sur le lit, baignant dans une quantité colossale de sang. Les bras en croix sous la lueur blafarde des chandelles.
    Et dehors, la tempête de neige n’avait de cesse de se déchaîner.


    Stiftung Staßfurter Waisenhaus, Magdeburg, Allemagne. Un 31 décembre.
    8h 00.


    « Son nom ?
    - Jacob Zacharias Theissen.
    - Age?
    - Trois ans. Né le 27 décembre.
    - Les parents ?
    - Raffael Theissen et Maria Daniela Adelheid Wilhelm. La mère est morte en couche. Le père l’a élevé seul.
    - Que lui est-il arrivé ?
    L’officier haussa les épaules, les yeux baissés.
    - Suicide. Il s’est tiré une balle. C’est le gosse qui l’a trouvé, ajouta-t-il sans pouvoir réprimer un frisson. Il est resté trois jours seul dans la maison, assis à côté du corps. C’est une voisine qui a alerté la police en voyant que les journaux s’entassaient devant la porte – depuis la mort de sa femme, le père restait totalement prostré chez lui, si ce n’est pour aller travailler. Le… le petit était totalement tétanisé. On a eu du mal à le bouger.
    Et il trembla de nouveau tandis que le souvenir de l’enfant qu’on tentait d’extirper de la chambre et donc les pieds étaient littéralement collés au sol par un amas de sang séché remontait en lui. Son estomac se noua alors qu’il se remémorait l’odeur de mort qui planait dans la pièce à ce moment-là. Il dut se frotter les yeux pour ne pas flancher.
    - D’accord… acquiesça l’homme derrière son bureau, son regard toujours rivé sur le dossier qu’il tenait à la main. Je vois là qu’il a déjà eu de nombreux problèmes de santé.
    - Oui… apparemment, c’est parce qu’il y a eu des complications à la naissance.
    - Je vois.
    Reposant les feuilles devant lui, l’homme – une quarantaine d’années et un air un peu bourru fiché sur la figure – recula sa chaise et s’approcha du policier, la main tendue en avant. Celui-ci la lui serra lentement.
    - Nous nous occuperons bien de lui. Nous veillerons à ce qu’il soit placé dans une famille à même de répondre à ses besoins.
    - D’accord…
    - Je ne vous raccompagne pas si vous le permettez, continua le directeur. J’ai à faire, veuillez m’excuser.
    - Pas de problème, marmonna-t-il. Je connais le chemin.
    Il venait de franchir le seuil de la porte du bureau principal lorsqu’il se retourna, jetant un dernier regard à l’autre homme.
    - Il a dit quelque chose, annonça-t-il en hésitant.
    L’autre releva les yeux vers lui.
    - Ah ?
    - Oui. Il n’a pas pipé mot depuis qu’on l’a sorti de chez lui mais quand on essayait de le tirer hors de la chambre… il s’est débattu comme un beau diable, et il a pas arrêté de répéter qu’on ne pouvait pas l’emmener ailleurs, parce qu’il attendait quelqu’un.
    - Vraiment ?
    - Oui, fit-il en se fourrant les mains dans les poches. Il a dit qu’il attendait sa mère. Qu’elle allait bientôt revenir.
    - Mhhhh…
    Karl Ubach hocha pensivement la tête.
    - Très bien. Nous nous occuperons bien de lui, soyez-en sûr.
    - D’accord. Merci beaucoup. »
    Et sans un mot de plus, il fit volte-face pour disparaître derrière un épais morceau de mur. Un arrière-goût amer sur le fond de la gorge.
    Il entendait encore distinctement le son caractéristique que faisait le sang séché lorsqu’il se craquelait sous la pression des corps.


    Stiftung Staßfurter Waisenhaus, Magdeburg, Allemagne. Un 31 décembre.
    20h 00.


    « Madame? Il est où Jacob?
    Anne s’abaissa jusqu’au niveau de la fillette qui tirait sur son tablier, un sourire aux lèvres.
    - Il est malade.
    - Mais… encore ?
    L’expression de curiosité première qui tirait les traits de la petite blonde se mua en une sorte de tristesse mêlée de regrets.
    - Il est fragile, répondit la femme paisiblement.
    - Mais… il est tout le temps malade !
    - Ne t’affole pas comme ça, Alina. Tu sais, il va mieux, depuis son arrivée. On est en hiver, il attrape juste froid plus facilement que les autres. Mais son état s’améliore.
    La fillette continuait de l’observer, les lèvres pincées, les sourcils froncés.
    - C’est pas juste, lâcha-t-elle dans un souffle.
    - Qu’est-ce qui n’est pas juste ?
    - Qu’il soit tout le temps couché. C’était son anniversaire et il a même pas pu le fêter. Et maintenant c’est le Nouvel An et il va pas le fêter avec nous non plus. Il est toujours tout seul, conclut-elle avec insistance. Il doit le faire exprès, on ne peut pas être tout le temps malade comme ça.
    - Allons, allons… ne dis pas de bêtises, répondit Anne en passant sa main dans les cheveux de l’enfant. Je peux t’assurer que ça l’ennuie tout autant que toi. Ca fait un an qu’il est ici et il ne s’est fait aucun ami. Crois-moi, pourtant, il en aurait besoin.
    - Moi je veux bien être son amie… mais si on le voit jamais, comment je peux faire ?
    - Mhhh…
    Anne s’humecta les lèvres, pensive. Son regard bleuté se perdait dans des immensités bien lointaines. Elle baissa enfin les yeux sur la petite, après quelques secondes. Elle venait d’avoir une idée.
    - Tu sais ce qu’on va faire ? demanda-t-elle.
    Alina secoua la tête, les sourcils froncés.
    - Demain, toi et moi, on lui préparera un gâteau. Et on le lui amènera. On fêtera son anniversaire un peu tard, tous les trois. Ca te va ?
    Et un grand sourire illumina le visage de l’interpelée.
    - Oh, oui ! C’est une super idée ! Il sera au chocolat, dis ?
    Un rire amusé la fit tressauter.
    - Je pense que ça pourrait être bien, répondit-elle. Jacob aime beaucoup le chocolat.
    - Ah ? Ca tombe bien, moi aussi !
    - Ca vous fait déjà un point commun. Bon, fit-elle en se redressant. Je vais en parler au directeur. Toi, va rejoindre les autres et amuse-toi. Vous vous couchez dans deux heures.
    - D’accord. Merci, madame Anne ! »
    Alina s’éloigna rapidement pour aller se fondre dans la masse. Regroupés dans la petite salle de jeux, les enfants discutaient tranquillement. Dans l’âtre de la cheminée, une petite flamme scintillait.


    Stiftung Staßfurter Waisenhaus, Magdeburg, Allemagne. Un 12 mars.
    15h 06.


    « Allez !
    Il chercha à fuir son regard, ployant sous le poids d’une déception qu’il déplorait amèrement.
    - J’ai mal à la tête, finit-il par soupirer, sans pour autant se redresser.
    Il l’entendit qui piétinait sur place, juste en face de lui.
    - Et alors ?
    - Alors… alors ça fait mal, continua-t-il de marmonner. Je préfère rester dans ma chambre.
    - Mais… Jacob !
    Elle pinçait violemment les lèvres, comme à chaque fois qu’elle était en colère. Comme à chaque fois qu’il ne se sentait pas d’attaque. Comme chaque jour ou presque.
    - Désolée, Alina. Mais j’ai pas envie de jouer.
    - Et tu comptes rester tout seul dans le noir à chaque fois que t’auras un peu mal ? Jacob, tu sortiras jamais si tu continues comme ça !
    - Je… on peut très bien jouer dans ma chambre, si tu veux.
    - Non.
    Elle fit un pas en avant, se campant fermement devant lui, les bras croisés sur son torse, lui décochant un regard inquisiteur qui lui donna envie de se replier six pieds sous terre.
    - Je VEUX jouer à cache-cache.
    - Mais tu…
    - … veux jouer à cache-cache !
    Il se résolut enfin à lever les yeux vers elle, peinant à ignorer la douleur qui lui vrillait la tempe droite. Ses mains se crispèrent immédiatement sur le drap qui se trouvait sous lui, mais il tint bon.
    - Tu auras toujours mal si tu ne te décides pas à affronter ta douleur, lui dit-elle avec toute la douceur dont une enfant de cinq ans et aussi mature qu’elle était capable de faire preuve.
    Il vit la main de la jeune fille qui se tendait vers lui.
    - Allez, viens, dit-elle. Tu verras, on va bien s’amuser. Y a Nikola qui joue aussi.
    - Mh…
    De nouveau, ses yeux noirs allèrent se perdre dans le vague. Il serrait les dents et sentait des larmes naissantes qui lui brûlaient les paupières. Bien sûr. Bien sûr que la douleur ne partirait jamais. Elle était inscrite en lui. Bien sûr qu’il aurait toujours mal.
    - S’il te plaît, insista-t-elle en avançant un peu plus sa main. S’il te plaît, Jacob.
    Il y eut encore quelques secondes pendant lesquelles il hésita, puis il lui attrapa lentement la main, faisant de son mieux pour lui adresser un sourire qui relevait hélas plus du rictus crispé tant l’envie de pleurer lui était forte.
    - D’accord, répondit-il sur un ton rauque.
    Alina s’illuminait sur place.
    - Oh, oui ! Génial !
    Il ne répondit pas. Elle fit alors demi-tour, et, prudemment, l’attira bien loin de son lit.


    Stiftung Staßfurter Waisenhaus, Magdeburg, Allemagne. Un 20 décembre.
    8h 53.


    «Tu sais ce que tu veux qu’on fasse pour ton anniversaire ?
    - Pas vraiment, non, répondit-il en écartant l’une des mèches qui voilaient son regard.
    - Mais c’est dans sept jours ! Tu vas avoir cinq ans, c’est important, tu sais.
    - Oui…
    Il s’humecta lentement les lèvres, sondant ses propres désirs. Mais le problème était qu’à partir du moment où il avait compris que ni sa mère, ni son père, ne reviendraient jamais, il n’avait jamais plus souhaité qu’une seule chose… et celle-là était impossible à offrir.
    - Tu sais pas non plus ce que tu veux avoir ?
    - Non plus, fit-il en secouant la tête. C’est Noël deux jours avant, de toute façon.
    - Tu n’as pas ne serait-ce qu’une toute petite idée ? fit-elle, un brin déçue.
    Et elle n’eut aucun problème à comprendre à sa façon qu’il avait d’éviter de la regarder qu’il y avait bien une chose qu’il convoitait. Elle se saisit de l’opportunité.
    - T’en as une, fit-elle. Allez, tu peux me le dire. On est amis.
    - Je peux pas l’avoir.
    - Dis toujours !
    Il hésita, longuement. Puis dût se résoudre à l’évidence : elle était sa seule véritable amie dans cet orphelinat, et il ne voulait pas la perdre. Il lui devait la vérité. Après tout, elle le connaissait. Et était bien la seule. Il fut ainsi contraint de se jeter à l’eau.
    - J’aimerais bien ne pas être malade, fit-il. Comme ça, on pourra jouer à cache-cache.
    J’aimerais bien ne plus jamais avoir mal, car c’est après tout à cause de cette maudite douleur que ma vie n’est qu’un cycle infernal.
    Elle le contempla longuement, comme elle avait tant l’habitude de faire. Et à sa grande surprise, un sourire éclaira son visage.
    - Je vois, décréta-t-elle tranquillement.
    - Pas facile à trouver comme cadeau, hein ? rit-il en se redressant dans son fauteuil.
    - Mh…. On peut peut-être essayer de faire quelque chose !
    - Comment veux-tu t’y prendre ?
    Elle fit mine de réfléchir, avant de s’étirer avec paresse.
    - On peut demander à madame Anne de te donner un médicament.
    - Un médicament ? fit-il en fronçant les sourcils, sans comprendre quel pouvait être le cheminement exact de sa pensée.
    - Oui, un cachet.
    - Pour ne pas tomber malade ?
    - Noooon, sourit-elle. Ca, je pense pas que ça existe. Mais le soir avant ton anniversaire. Elle pourrait te donner un médicament pour que t’aies pas mal à la tête.
    - Oh…
    - Je suis sûre qu’elle sera d’accord, elle sait que c’est important pour toi. Et puis en attendant, on restera à l’intérieur pour pas que tu attrapes froid.
    - Je croyais qu’on ne devait prendre de médicaments que quand on avait déjà mal ?
    Elle leva des yeux pleins de malice au ciel.
    - Allez, c’est juste pour ton anniversaire. Et puis tu n’auras qu’à faire semblant d’avoir mal en te couchant si elle veut pas !
    - Tu es sûre qu’elle ne se doutera de rien ?
    - Certaine, fit Alina en hochant vivement la tête. Elle est gentille, on peut lui faire con…
    - Alina ?
    Les deux enfants relevèrent la tête. Dans l’entrée du salon, une femme les toisait, l’aire joyeuse.
    - Madame Anne ?
    - Tu peux me suivre s’il te plaît ?
    La petite ne bougea pas de sa place, et se colla un peu plus à Jacob.
    - J’ai fait quelque chose de mal ?
    - Non, sourit-elle. Allez, viens. C’est un grand jour pour toi.
    - Ah ? Pourquoi ?
    - Suis-moi, et tu verras.
    - Est-ce que Jacob peut venir avec moi ?
    Cette simple question suffit à ce que le visage de l’animatrice se ternisse, bien malgré elle.
    - Non, fit-elle. Juste toi.
    - Oh… D’accord.
    Et Alina se laissa finalement glisser du canapé pour se diriger vers elle. Arrivée à mi-chemin, elle se retourna néanmoins vers le petit garçon.
    - On se revoit tout à l’heure ! lui lança-t-elle. Et en attendant, réfléchis à une idée de cadeau !
    Le regard fixe, il hocha la tête. Bredouilla faiblement.
    - Oui… à tout à l’heure…
    - Salut ! »
    Elle se retourna et se saisit de la main d’Anne Schröder. Referma la porte vitrée.
    De sa place, Jacob n’eut aucun mal à la voir au travers de la glace, alors qu’elle tournait au bout du couloir pour prendre la direction du bureau de Karl Ubach. Et au moment où le dernier pan de robe de la jeune fille disparut derrière le mur, il comprit ce que pouvait signifier cet étrange sentiment d’angoisse qui lui avait serré les tripes, au moment où Anne l’avait appelée.


    Stiftung Staßfurter Waisenhaus, Magdeburg, Allemagne. Un 20 décembre.
    9h 20.


    Depuis la fenêtre du salon, il n’avait aucun mal à distinguer le portail. Il n’eut donc également aucune difficulté à voire la fine silhouette d’Alina, alors qu’elle grimpait à l’arrière d’une voiture, juste en bas, dans la cour. Il analysa chaque mouvement, plaqué contre la fenêtre, lorsque l’homme déposa sa maigre valise dans le coffre arrière. Lorsque la femme qui l’accompagnait se baissa pour vérifier qu’elle était bien attachée à son siège.
    Jacob vit également Alina qui tournait la tête dans sa direction, alors que le moteur de la voiture démarrait. Il vit enfin que le reflet sur la vitre l’empêchait de le voir. Il vit qu’elle, elle ne le vit pas.
    Elle ne vit pas ce signe de la main qu’il lui adressait alors que la voiture commençait à s’éloigner. Elle ne vit pas les larmes qui mouillaient ses joues lorsque les grilles de fer forgé s’ouvraient pour la laisser passer. Et lorsque la voiture eut complètement disparu au bout de la petite route qui menait à la ville, elle ne le vit pas qui s’effondrait de tout son poids sur le sol, incapable de rester debout plus longtemps.
    Alors qu’Alina ne devenait plus pour lui qu’un douloureux souvenir, emportée loin de lui par un jeune couple très certainement plein d’amour à revendre, Jacob comprit qu’il y avait bien une autre chose qu’il aurait souhaité, pour son anniversaire, le 27 décembre. Une chose qu’il désirait plus que tout.
    C’était être avec elle, tout simplement.


    Stiftung Staßfurter Waisenhaus, Magdeburg, Allemagne. Un 21 janvier.
    15h 46.


    « Jacob ? Entre, s’il te plaît. Merci, Anne, vous pouvez nous laisser.
    Les bras ballants, le jeune garçon jeta un coup d’œil en direction de la femme, qui lui adressa un sourire.
    - Bonne chance, lui glissa-t-elle avant de s’esquiver et de disparaître dans le couloir.
    La porte se referma lentement derrière lui, et il leva les yeux vers le bureau du directeur. Devant lui, deux sièges. Et un couple qui attendait.
    - Bonjour, murmura-t-il à leur adresse, trop bas pour qu’ils puissent l’entendre.
    - Bien. Jacob, je te présente Mr. et Mrs. Stark.
    Il hocha la tête en silence, se collant un peu plus à la porte qui l’empêchait hélas de s’enfuir de la pièce en courant.
    - Jacob… peux-tu un peu leur parler de toi ? fit le directeur, impassible, derrière son haut secrétaire en bois.
    Le jeune garçon ne dévisagea sans comprendre, puis dut se résoudre à parler, voyant le regard insistant que l’autre posait sur lui.
    - Je m’appelle Jacob. Et j’ai six ans.
    J’ai tué ma mère en venant au monde et indirectement mon père par la même occasion. Mon père dont j’ai retrouvé le cadavre au crâne explosé par un vieux colt deux jours avant mon troisième anniversaire. Je suis de constitution excessivement fragile et ma vie est transformée en enfer par des maux de tête récurrents que le paracétamol seul ne parvient déjà plus à soulager. Je n’ai pas de famille, pas d’amis. Est-ce là ce que vous voulez entendre ?
    - Excellent, fit Ubach avec un fin sourire, avant de se tourner vers la femme, qui posait sur le garçon un regard d’une intensité qu’il trouvait assez dérangeante. Cela vous convient-il ?
    Mrs. Stark hocha la tête. Jacob la détailla longuement. Elle était plutôt jeune, et remarquablement belle, avec ses longs cheveux châtains qui tombaient nonchalamment sur ses épaules, et ses beaux vêtements fraîchement repassés – des vêtements comme il n’en avait jamais vus jusque là, avec de fiers boutons dorés et dont la douceur apparente semblait l’irradier. Elle lui souriait doucement et dardait sur lui deux yeux d’un gris tellement clair, qu’il aurait cru pu voir le ciel au travers d’eux, s’ils avaient été dehors, et si le temps n’avait été aussi maussade.
    Il tourna alors la tête sur la gauche, en direction de l’autre siège. L’homme était grand et rêche, lui ne souriait pas, et à vrai dire, Jacob se demandait bien comment il aurait jamais pu parvenir à un tel exploit. Il vit son attention qui se reportait sur lui – Mr. Stark était jusque là occupé à guetter la réaction de sa femme – et voulut plus que tout disparaître six pieds sous terre lorsque les prunelles sombres vinrent le scanner avec dureté.
    Jacob déglutissait avec difficultés lorsque la femme parla. Sa voix était claire et chaleureuse. Il se sentit un peu mieux.
    - Parfaitement, déclara-t-elle, et elle dut se faire violence pour revenir vers le directeur.
    - Vous êtes bien conscients des besoins particuliers dont fait preuve Jacob, n’est-ce pas ?
    - Nous avons lu votre dossier, répondit Mr. Stark. Nous saurons nous occuper de lui.
    - Oui, nous en prendrons soin, soyez sûr, Mr. Ubach, ajouta sa femme.
    - Soit. Eh bien dans ce cas…
    Karl Ubach se leva de son siège avant de regarder Jacob.
    - Je te présente tes nouveaux parents. Dorénavant, tu te nommeras Jacob Stark.
    - Jacob Zacharias Stark, reprit Mrs. Stark en se levant à son tour.
    - Vous pouvez encaisser immédiatement, annonça Mr. Stark en déposant un chèque sur le bureau. Y a-t-il autre chose ?
    - Non, tout est bon, répondit Ubach en se saisissant du petit bout de papier. Je vous raccompagne jusqu’à la sortie. Jacob, Anne va t’apporter tes affaires. Aujourd’hui est un grand jour pour toi. Tu as de nouveau une famille.
    Et malgré l’air bienveillant qu’affichait Karl Ubach, Jacob ne put qu’avoir la mort dans l’âme.
    Il s’appelait Theissen, et non Stark.
    Il crut que ses jambes allaient se dérober sous son poids lorsque la femme – qui parlait l’allemand d’une façon suffisamment étrange pour qu’il comprenne qu’elle n’était pas d’ici – s’avança pour lui prendre la main. Et crut mourir étouffé en voyant la façon dont l’homme qui la suivait le regardait.
    - Ravie de te rencontrer enfin, Jacob, fit la femme en se postant à côté de lui. »
    De nouveau, il se contenta de hocher la tête.


    Stiftung Staßfurter Waisenhaus, Magdeburg, Allemagne. Un 21 janvier.
    16h 10.


    La portière claqua, effaçant l’homme de sa vue. Sa ceinture attachée, il coula un regard sur la gauche, en direction du bâtiment. Le ciel était sombre, bien trop sombre pour qu’un reflet ait pu venir se coller sur la fenêtre du salon, au deuxième étage.
    Il ne fut pas surpris de constater qu’il n’y avait personne pour regarder son départ, tout là-haut.
    Et pourtant, même s’il ne la vit pas, Anne, appuyée contre la porte d’entrée du petit immeuble, étouffa quelques larmes, alors que la voiture s’éloignait.


    Flughafen Berlin-Schoenefeld, près de Berlin, Allemagne. Un 22 janvier.
    13h 35.


    Le ronflement sourd des moteurs l’abrutissait et lui donnait la migraine. Ses doigts massant souplement ses tempes, il s’enfonçait peu à peu dans son siège, la gorge sèche. Le sol se mit à trembler avec violence et son corps entier devint aussi raide que la pierre. Une main se posa avec douceur sur son épaule et il leva la tête. Mrs Stark.
    Instantanément, il détourna le regard et laissa ses prunelles noires comme l’encre se perdre dans le paysage qui défilait sous son hublot. Une nouvelle secousse, et le 747 quittait terre.
    Une dizaine de minutes plus tard, l’Allemagne disparaissait définitivement sous une mer de bleu azur.





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MessageSujet: Re: † Jacob.   † Jacob. Icon_minitimeSam 27 Aoû - 14:55

    Boston Logan International Airport, non loin de Boston, USA. Un 22 janvier.
    2 :36 PM.


    Il faisait une chaleur torride, comme il en avait rarement connue. Sa main portée en visière au-dessus de ses yeux, il suivit docilement le couple, trop exténué pour s’attarder sur l’environnement dans lequel il se retrouvait. Bien évidemment, il n’avait pu fermer l’œil durant tout le vol. Et même maintenant, il était intimement convaincu qu’il ne pourrait jamais s’endormir, une fois le soir tombé. Toujours accroché à la main de Mrs Stark, il nota avec une légère stupéfaction qu’ils s’éloignaient de la file de personnes qui serpentait devant la rangée de taxis prêts à embarquer. C’est après une vingtaine de mètres supplémentaires qu’il aperçut la large limousine blanche qui attendait au soleil, un peu plus loin.


    Beacon Hill, Boston, USA. Un 22 janvier.
    2 :57 PM.


    Il dut se faire violence pour ne pas échapper une exclamation admirative, une fois à l’intérieur. C’est à peine s’il entendit la voix de Mr Stark lorsque celui-ci dit à Richard – qui était de toute apparence le chauffeur attitré de la famille – d’aller ramener la voiture en endroit sûr. Il était bien trop estomaqué pour ça.
    Cela dépassait tout ce qu’il avait jamais pu imaginer. Mais le fait était que ce n’était pas la taille du lieu qui l’impressionnait – les cottages de Beacon Hill, même les plus grands, offraient malgré tout un espace relativement réduit… si on les comparait aux grandes villas qui poussaient un peu partout en bordure des côtes -, mais plutôt la façon tout à fait merveilleuse dont tout était agencé. Les meubles étaient anciens et parfaitement lustrés – d’une noblesse telle qu’il en avait peur de les effleurer -, la décoration ponctuée d’une touche raffinée qui ne pouvait qu’ajouter à leur charme… la façon dont ils étaient arrangés donnait l’impression d’évoluer dans un domaine immense. Et il devinait que la demeure des Stark devait bien s’étendre sur deux maisons entières, car la largeur des pièces était telle qu’elles n’auraient jamais pu tenir dans une seule de ces dernières. Il en eut vite la confirmation lorsque son regard alla se poser sur une seconde porte d’entrée, une dizaine de mètres sur sa droite. Située non loin d’une bibliothèque. Remplie de vieux grimoires.
    Jacob sentit qu’on le poussait avant même d’avoir pu achever son inspection. Mrs Stark l’emmenait vers l’une des deux rampes d’escaliers – celle de la maison qu’il avait d’abord supposée voisine à la leur, mais qui s’avérait en fait ne faire qu’un avec elle.
    « Viens, lui dit-elle gaiement. Je vais te montrer ta chambre ! »


    Beacon Hill, Boston, USA. Un 23 janvier.
    9:30 AM.


    Mr Stark se tenait face à lui, une épaisse pile de livres dans les bras. Il l’observait d’un air dur.
    « Tu as du retard à rattraper, décréta-t-il en allant les poser sur le bureau qui se trouvait face à son lit – lit sur lequel il se trouvait, en ce moment-même. Nous avons l’intention de te faire intégrer une école dès la rentrée scolaire prochaine. Il va falloir t’y mettre dès maintenant. Celine devrait arriver d’ici une demi-heure. C’est elle qui se chargera de tout t’enseigner.
    Il hocha fébrilement la tête, collés contre le mur, tentant de faire le tri dans le flot d’informations que lui délivrait sans cesse celui qui était supposé être son nouveau père. Ce dernier dégagea un manuel du tas et le lui tendit.
    - Première étape : apprendre l’anglais. »

    Beacon Hill, Boston, USA. Un 21 août.
    10:00 PM.


    « Quelque chose ne va pas ? demanda Celine en posant sa main sur son avant-bras.
    Il leva péniblement les yeux vers elle, luttant contre les vertiges qui l’assaillaient. Des points noirs mouchetaient sa vision et la lampe allumée à côté de lui semblait prendre un malin plaisir à le torturer à grands renforts d’ondes beaucoup trop lumineuses à son goût.
    - Jacob ? Tu vas bien ?
    - Mmmhhh… marmonna-t-il en portant sa main à son front.
    - On doit arrêter de toute façon, fit-elle, l’air inquiète. Il faut que tu dormes.
    - D’accord, souffla-t-il sans pour autant bouger.
    Le silence se fit dans la pièce. Celine le regardait sans broncher.
    - Qu’est-ce qui ne va pas ? finit-elle par demander. Jacob, tu es vraiment pâle.
    - … mal à la tête.
    - Oh… beaucoup ?
    - Oui, beaucoup, fit-il en hochant la tête, geste qu’il regretta immédiatement. Et un gémissement roula le long de sa gorge.
    - Je vois, dit-elle en se levant. On peut pas te laisser comme ça. Je vais te donner du paracétamol et tu iras te coucher.
    - Non.
    - Jacob, tu vas quand même pas te coucher sans rien prendre… ça ne me regarde peut-être pas mais je ne vais pas partir sans rien faire.
    - C’est pas ça, grimaça-t-il. Ca marchera pas. Le paracétamol ne fait plus effet sur moi.
    Elle s’arrêta pour le dévisager, les sourcils froncés.
    - Tu es sérieux ?
    - Oui, fit-il en s’abstenant cette fois-ci de bouger. Depuis que j’ai quatre ans. Ca ne me soulage plus.
    - Je ne savais pas que c’était à ce point. Tes parents m’avaient prévenue mais…
    - C’est bon, fit-il avec un signe de la main. J’ai l’habitude.
    - Attends…
    Il l’entendit qui se dirigeait vers la porte, il l’entendit qui se baissait, il l’entendit qui fouillait à l’intérieur de son sac. Et il reconnut le craquement caractéristique de l’aluminium qui formait les plaquettes de médicaments. Elle revint vers lui et posa un cachet d’un blanc immaculé sur son cahier.
    - Je vais te chercher un verre d’eau. Tu vas prendre ça.
    - Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il sans réelle conviction.
    - Du paracétamol. De la caféine. Et du dextropropoxyphène.
    - J’ai dit que le paracétamol…
    - Ce n’est pas parce qu’il ne fait pas effet tout seul qu’il est inefficace, sourit-elle.
    - On ne devrait pas demander à Mrs St… à maman ?
    - Ca va, fit-elle avec un sourire. Ce qu’elle te donne d’habitude marche ?
    - Ca dépend.
    - Eh bien je parie que mon remède miracle va te surprendre.
    - J’ai le droit ?
    - On ne peut plus légal. J’ai un ami qui a des migraines, fit-elle distraitement. Il m’a dit que c’était la seule chose qui marchait sur lui. Du coup, j’ai demandé à mon médecin de m’en prescrire quelques boîtes, au cas où.
    - Pourquoi est-ce que je n’en ai pas eu avant ? demanda-t-il, une lueur indicible brillant au fond de son regard.
    - Ah, ça… tu es très jeune, fit-elle en haussant les épaules. Normalement, je ne devrais pas te donner ça si tôt. Mais j’ai le sentiment que tu en as vraiment besoin. Donc prends. On verra bien si ça marche.
    - D’accord.
    Sa main gauche se saisit rapidement de la pilule, et il l’enfourna dans sa bouche. Bascula la tête en arrière et déglutit un grand coup.
    - Eh, attends ! Je t’amène de l’eau ! »
    Mais il n’en avait pas besoin. Il avait de l’expérience dans ce domaine-là.


    Beacon Hill, Boston, USA. Un 25 août.
    1:00 PM.


    « Approche, fit Mrs Stark en l’invitant à venir la rejoindre sur le canapé.
    Docile, il s’exécuta sans broncher. Un sourire au coin des lèvres. Qu’elle lui rendit immédiatement.
    - Tu sembles de bonne humeur, lui annonça-t-elle alors qu’il prenait place à côté d’elle.
    Il hocha la tête.
    - Ca fait quatre jours que je n’ai pas eu mal à la tête, annonça-t-il sur un ton victorieux.
    - Vraiment ? C’est fantastique !
    Il acquiesça de nouveau, se dispensant bien de lui dire que cet état de fait était en vérité dû au médicament miracle que lui avait apporté Celine, et dont deux boîtes reposaient sous son oreiller, au deuxième étage. Parfaitement conscient du fait qu’il n’était qu’un piètre menteur, il préféra s’extirper du terrain glissant sur lequel il était en train de s’aventurer avec ce début de conversation, et désigna du menton le magasine qui reposait sur les genoux de celle qui était à présent sa mère.
    - Tu veux me montrer quelque chose ?
    - Oui ! fit-elle en lui présentant la revue. Regarde.
    Il la détailla quelques instants, pour s’apercevoir que ce n’était en fait pas un objet commercial mais plus une compilation personnelle de plusieurs dizaines d’images, suivies parfois de quelques annotations. Et sur toutes ces photos, il y avait…
    - Des instruments de musique ? demanda-t-il, perplexe.
    - Exactement, répondit-elle du tac-o-tac. Jacob, comme tu le sais, ce sera bientôt la rentrée scolaire ici.
    De nouveau, il hocha la tête.
    - Eh bien, je… enfin, ton père et moi, nous aimerions beaucoup que tu fasses de la musique. C’est vraiment très important pour nous, tu sais.
    - Je comprends, fit-il en se grattant la tête.
    Ses yeux dévièrent un instant en direction du grand piano à queue blanc qui attendait, un peu plus loin, dans leur grand salon. Elle suivit son regard.
    - Comme ça, on pourra jouer à deux, fit-elle calmement. Si tu le souhaites bien sûr.
    - Oui, dit-il en revenant vers elle.
    - Donc, tu voudrais bien ?
    - Oui, répéta-t-il, conscient qu’il ne pourrait de toute façon pas refuser.
    - Super !
    Elle se colla à lui, déposant les feuilles entre eux deux.
    - Je suis sûre que ça pourrait te faire du bien, continua-t-elle en tournant les pages. Je sais que tu travailles dur, Celine me l’a dit. Par ailleurs, elle m’a confié que tu te débrouillais très bien, sourit-elle.
    - Merci.
    - Tu n’as pas à me remercier. Bon…
    Elle lui montra une double page où s’entassaient divers instruments de musique.
    - As-tu une petite idée de ce que tu souhaiterais faire ?
    Il la regarda, indécis.
    - Bon, dit-elle sans se décourager. Tu n’as qu’à feuilleter et voir si quelque chose… disons, t’inspire.
    Il accepta et se mit à tourner les pages, la tête baissée.
    Il sentait le regard de Mrs Stark qui pesait sur sa nuque et ne parvenait à réellement se concentrer.
    - Prends ton temps, l’encouragea-t-elle. On n’est pas pressés. C’est à toi de choisir.
    Les photos défilaient à un rythme régulier dans un concert de bruissements. Piano, hautbois, clarinette, guitare… batterie, trompette, flûte traversière, harpe. Saxophone. Violon. Alto. Violon.
    Il arrêta son geste. Quelque chose au fond de lui semblait s’embraser. Son doigt alla se ficher sur l’une des icône et il releva le nez vers elle. Elle observait, immobile.
    - Du violon ?
    Il secoua la tête en signe de négation. Rapprocha le magasine de sa mère.
    - Oh… fit-elle enfin. Du violoncelle ?
    Il ne répondit pas et se contenta de la fixer. Elle comprit instantanément.
    - D’accord. On va faire ça. »

    Rutman’s Violins, Boston, USA. Un 28 août.
    11:13 AM.


    La pièce sentait le bois et la cire. Le silence était pesant et il se sentait mal à l’aise. La présence de Mr Bach derrière lui ne faisait rien pour arranger ce sentiment. Il était perdu et ne savait quoi faire de sa pauvre carcasse. Mrs Stark prit les devants.
    « Allons voir ce qu’on peut te trouver ! » déclara-t-elle en l’attirant dans le magasin.


    Beacon Hill, Boston, USA. Un 28 août.
    10 :27 PM.


    Sa main passa sous l’oreiller pour en retirer la boîte miracle. Dans son crâne, le martèlement redoubla d’intensité. Comme s’il avait su que le geste de l’enfant allait de nouveau l’annihiler, comme s’il avait souhaité protester. Jacob se massa les tempes et fit tomber un cachet de la plaquette.
    Il avait mal mais il ne s’en souciait guère. Demain matin, il n’y aurait plus rien. Cela passait toujours, à présent. Cela passait toujours et il se sentait revivre. La pastille avalée, il se pencha pour éteindre la lampe de sa table de nuit, et se glissa sous les fins draps de son lit.
    Dans une chambre voisine, Mr Stark reprochait à sa femme son manque d’objectivité, et lui faisait clairement comprendre qu’il était temps pour eux de bannir totalement l’allemand de la maison. Car ici, ils étaient en Amérique, car bientôt, ce serait la rentrée. Car il était temps pour Jacob d’apprendre à grandir.
    La tension était palpable lorsqu’il éteignit la lumière pour plonger la maison dans une totale obscurité.


    Gate of Heaven elementary school, Boston, USA. Un 12 décembre.
    10:00 AM.


    « Dis, Jacob ?
    L’intéressé se retourna. Michael Miller, huit ans et quelques dents, se tenait face à lui.
    - Oui ?
    - Je peux… te poser une question ? fit le gamin en se trémoussant d’un pied sur l’autre.
    - Bien sûr, répondit-il en croisant ses mains derrière son dos.
    - Euh… dis, on se demandait avec les copains… c’est quoi que t’as au sourcil ? Le gauche, je veux dire, ajouta-t-il en pointant son propre visage du bout de l’index.
    Jacob le dévisagea quelques secondes, les lèvres serrées, avant de répondre posément :
    - Quand j’étais petit, je suis tombé et je me suis fait mal à l’arcade.
    - Oh, vraiment ?
    - Oui, sourit-il.
    Bien sûr que non, contra-t-il en son fort intérieur.
    - Ca a dû faire mal !
    - Très, oui.
    Horriblement mal.
    Le corps détruit de son père, gisant sur le lit. Du sang sur les murs, du sang sur le sol.
    - Mais c’est drôle, tu n’as pas de cicatrice !
    - Elle est légère, répondit Jacob sans broncher. Il faut se mettre très près pour la voir.
    La lumière vacillante de la chandelle, posée sur le bureau. Lui qui s’effondre violemment par terre, terrassé par la douleur. Qui achève de recracher tout ce qu’il avait pu avaler sur un nouveau haut-le-cœur. Le monde qui se trouble et le monde qui s’efface.
    - Ouah… c’est cool ! s’exclama Michael avec admiration.
    La gorge de Jacob se serra.
    - Pas vraiment.
    Ses yeux qui s’ouvrent. Ses mains qui baignent dans un liquide noir. Le plancher dur qui lui irrite la tête. Et par delà les assauts de cette migraine insoutenable, une intense brûlure au niveau de l’œil gauche.
    Il sent les gouttelettes qui perlent à son front et le forcent à clore sa paupière.

    Flash.

    - Eh, petit ! Petit !
    Il ne lève pas les yeux. Il est recroquevillé et il ne veut pas lever les yeux. Il n’en aurait de toute façon pas la force. Son corps est brisé. Il ne peut plus bouger. Jamais il ne pourrait envisager de faire le moindre geste.
    - Petit ! Oh bon sang, Klaus, viens voir ce gosse, il est couvert de sang !
    Des bruits de pas précipités qui font trembler le plancher sous son corps. La souffrance est intense et s’éclate dans sa tête par vagues violentes.
    - Merde, c’est le sang du type ?
    - On dirait oui…
    - Il a quoi à l’œil ?
    - Mh…
    La silhouette trouble se penche vers lui. Un visage s’approche et le dévisage. Il ne se sent même plus gêné. Il n’est plus qu’une enveloppe. Une enveloppe vide, désespérément vide.
    - On dirait des griffures. Il a dû se faire ça tout seul. Il faut vite l’emmener, Klaus. Faut pas qu’il reste ici plus longtemps. Ca pue la mort et regarde-le. On dirait un squelette.
    - Tu crois qu’il nous entend ?
    - J’en sais rien. Attrapons-le.
    Un étau qui se ferme sur ses bras. Et il se débat.

    Flash.

    - Moi je trouve en tout cas, décréta Michael sans percevoir la cruauté des propos qu’il tenait. »
    Il demeura silencieux.


    Beacon Hill, Boston, USA. Un 27 décembre.
    7:59 PM.


    Les flammes crépitaient et balançaient des reflets orangés sur son visage. Sous les encouragements de Mrs Stark, il prit une profonde inspiration.
    Neuf bougies qui se soufflaient et à sa droite, une grosse pile de paquets qui l’attendait.
    Acclamations de Celine qui déjà s’approchait pour couper des parts. Applaudissements de Mr Stark.
    Il avait presque l’impression d’être en famille.


    Beacon Hill, Boston, USA. Un 11 octobre.
    3:22 PM.


    Ses doigts serrant fermement le manche, il attira l’éclisse tout contre lui. Sous les yeux des Stark et de Celine, il approcha l’archet du chevalet.
    Quelques secondes plus tard, les cordes vibraient sous le rythme habile qu’imposait sa main.


    Boston Common, Boston, USA. Un 3 mars.
    2:36 PM.


    « C’est un chat qui t’a fait ça ?
    Elle désigna son sourcil gauche du doigt. Sourcil qu’il haussa, surpris.
    - Non, fit-il avec amusement. Ca aurait été un chat avec de très grosses griffes, sinon.
    - Ah…
    Alice, les mains à présent sagement posées sur ses deux genoux, le regardait avec insistance. Il ne put que noter l’élégance avec laquelle ses beaux cheveux couleur de blé s’accordaient avec les traits fins de son visage. Il se sentait bien pathétique à côté d’elle. Avec sa peau pâle et les cernes qui plongeaient sous ses yeux.
    - Je me suis fait ça en tombant quand j’étais gosse, finit-il par lâcher. En tombant. C’est tout.
    - Oh… ça devait pas être très beau à voir, avança-t-elle, gênée par sa question, qu’elle trouvait à présent déplacée.
    - C’était assez moche, en effet. Ca le reste, d’ailleurs.
    Un fin sourire fleurit sur les lèvres de la jeune fille.
    - Tu as une trop mauvaise estime de toi-même, Jacob. Moi, je trouve que ça te donne un certain charme.
    - Ah.
    Il ne put s’empêcher de détourner le regard.
    - Mouais.
    - Je t’assure, continua-t-elle.
    - Merci, alors.
    Il s’obstinait à regarder ailleurs et à présent un silence pesant tombait sur le petit banc où ils étaient assis. Une fraîche brise soufflait dans l’herbe du grand parc et un écureuil s’avançait timidement vers eux, quêtant un quelconque fragment de nourriture. Elle revint à la charge dans l’espoir de briser la glace qui se formait autour de lui.
    - Tu es croyant ?
    - Mh ?
    Il fut bien obligé de revenir vers elle et vit qu’elle regardait le chapelet à sa main gauche.
    - Pas vraiment, déclara-t-il. C’est un cadeau de ma mère.
    - Oh… elle est pratiquante, elle ?
    - Plutôt, oui. Elle nous amène mon père et moi à la messe tous les dimanches.
    - Vraiment ?
    - Ouais.
    - J’y vais aussi, fit-elle. Park Street Church.
    - Tu crois en Dieu, toi ?
    Elle parut hésiter.
    - Oui, avoua-t-elle.
    - Je comprends.
    - C’est rassurant de se dire que tout n’est pas fini, une fois qu’on meurt. Un peu contraignant dans la mesure où on n’est pas libre de ses actes mais… j’aime bien l’idée qu’il y ait un grand Monsieur quelque part qui veille à ce que tout se passe correctement.
    Voyant qu’il ne savait quoi répondre, elle reprit :
    - En tout cas, si tu n’es pas croyant, c’est bien que tu portes ce chapelet malgré tout. Ta mère doit être heureuse.
    - Elle l’est, confia-t-il en hochant la tête.
    - En plus, ça te va bien.
    - C’est un chapelet, ironisa-t-il. Je trouve quand même ça un peu minable d’en porter un sans croire en Dieu.
    - Bah…
    Elle dodelina de la tête, levant les yeux au ciel.
    - On n’est plus à ça près.
    - Ouais…
    Jacob la regardait fixement, à présent. Il avait un peu l’impression que le monde extérieur ne les atteignait plus. Néanmoins, un doute persistait. Une interrogation dont il ne pouvait se défaire. Une légère angoisse. A laquelle il se devait de mettre un terme.
    - Alice ?
    - Oui ?
    - Pourquoi tu voulais me voir ?
    Elle s’égara quelques secondes. L’affaire était compliquée. Et Jacob attendait en la regardant avec une intensité qui la dérangeait presque, maintenant que ce sujet-là était mis sur le tapis. La dérangeait… mais pas seulement. Si un certain mal-être s’insinuait en elle… elle aurait tout donné pour qu’il ne cesse de l’observer ainsi.
    - Dorian doit te chercher. Et dans la mesure où il est assez possessif, je ne pense pas qu’il risque d’apprécier le fait que tu traînes avec moi dans un parc. Je crois qu’il a une dent contre moi, ajouta-t-il avec un nouveau sourire.
    - Dorian a son caractère, soupira-t-elle.
    - Il t’aime, c’est tout. Enfin…
    Il se frotta le derrière de la nuque, comme il le faisait à chaque fois qu’il se sentait mal à l’aise.
    - Si on peut parler d’amour à ce stade, rectifia-t-il. Je sais pas si ce terme peut vraiment s’appliquer aux adolescents.
    - Tu sais quoi de l’amour, toi ? demanda-t-elle.
    - Mes parents s’aimaient à en mourir, souffla-t-il à voix basse.
    Elle le regarda un moment, interloquée.
    - Ils ne s’aiment plus ? Ils avaient pourtant l’air heureux ensemble, la dernière fois que je les ai vus. Quand ils étaient venus te chercher à cause du concert de violoncelle.
    Jacob se raidit, conscient de son erreur.
    - Oui, ils s’aiment toujours, bien sûr.
    - Je ne suis pas sûre de comprendre, Jacob.
    - C’est rien, fit-il en secouant la tête.
    Une pointe de douleur au fond de sa voix. Une pointe de douleur qu’elle n’eut aucun mal à percevoir. Après tout, elle le connaissait bien.
    - Tu te laisses pousser les cheveux, fit-elle sur un ton qui se voulait joyeux.
    - C’est pas volontaire à la base, répondit-il en se retournant vers elle. Je dois aller chez le coiff…
    Il se stoppa, indécis. Elle semblait beaucoup plus proche de lui à présent. Il demeura immobile, tétanisé, alors que la main de la jeune fille s’approchait de son visage. Pour aller effleurer l’une des mèches noires qui l’encadraient.
    - Ca te va vraiment bien, continua-t-elle pensivement.
    Ses lèvres frémirent mais il ne put parler. La gorge serrée, il voulut se reculer légèrement mais ne put bouger d’un centimètre. Son cœur s’emballait et elle s’approchait encore.
    La main descendait le long de ses cheveux pour s’approcher dangereusement de sa joue.
    - Tu ne devrais pas les couper…
    - Je…
    - … ne devrais pas les couper. »
    Ses mains se crispèrent sur les lattes de bois qui le soutenaient lorsque leurs lèvres se touchèrent.


    Beacon Hill, Boston, USA. Un 3 mars.
    7:57 PM.


    Ses doigts se saisirent avec maladresse de la boîte cartonnée. En extirpèrent les plaquettes d’aluminium, tremblantes. Firent tomber deux cachets de leurs places respectives. Il n’en restait presque plus.
    Une douleur lancinante lui fusillant la tête, il avala les pilules et éteignit précipitamment la lumière. Les idées fusaient dans sa tête et il avait le ventre vide.
    Il mit bien longtemps à trouver le sommeil.


    Commonwealth School, Boston, USA. Un 4 mars.
    1:42 PM.


    « Hey, Stark !
    Le fait d’être interpelé ne le fit pas réagir. Cette voix, il ne la connaissait que trop bien. Il continua de marcher, son sac reposant sur son épaule gauche.
    - Hey. Retourne-toi, espèce de fils de pute.
    Il s’arrêta net. Un frisson remonta le long de son échine et il comprit qu’à présent, tous les regards étaient posés sur lui.
    Il prit une grande inspiration, tâchant de calmer la colère qui montait en lui, avant de faire volte-face.
    - Dorian. Que puis-je pour toi ?
    - Fais pas l’innocent, sale bâtard.
    Un soubresaut agita ses paupières alors que la rage continuait de s’intensifier. A quelques mètres de lui, dressé au milieu du cercle d’élèves qui se formait peu à peu autour d’eux, Dorian Brown, 17 ans, 1m 92 et grand adepte du football universitaire, le toisait de toute sa hauteur. De toute évidence, il n’était pas de bonne humeur. Et au fond de lui, Jacob avait une petite idée de ce qui l’énervait autant. Et si l’envie de jouer avec les nerfs de l’autre était grande, il préférait continuer de jouer profil bas. Autant ne pas se rabaisser à son niveau. Et puis, il fallait le reconnaître : il y avait une différence de poids non négligeable entre eux. Une différence qui ne pouvait que l’handicaper.
    - Qu’est-ce que tu veux, Dorian ?
    - Tu sais parfaitement ce que je veux.
    Hausse de la tension qui parcourait le cercle. Cercle qui peu à peu se resserrait autour d’eux. Il haussa les épaules.
    - Oui, bien sûr. Mais tu peux quand même me le rappeler ?
    Grondement en provenance de l’adversaire. Adversaire qui cracha brusquement par terre.
    - Je peux savoir où t’étais, hier, en début d’après-midi ?
    Son cœur fit un bond violent dans sa poitrine. Evidemment. Il s’en doutait.
    S’efforçant de demeurer impassible, il inspira un bon coup avant de répliquer :
    - Ca ne te regarde pas.
    - Oh que si ça me regarde ! Tout ce qui touche à Alice me regarde !
    Dorian fit un pas en avant mais il ne broncha pas. Il ne connaissait que trop bien la mentalité lycéenne. Il ne fallait jamais courber l’échine, ni tourner le dos à son assaillant. A aucun moment. Fermement campé sur ses hautes jambes, il attendit que la rumeur qui parcourait la foule se calme avant de reprendre la parole.
    - Tu es un copain bien envahissant.
    - Et toi tu n’es qu’un voleur de copine, petit enfoiré.
    Chuchotements autour d’eux. Soit. Quelle façon lamentable de se faire remarquer. Lui qui avait toujours aimé faire profil-bas, il s’en serait volontiers passé.
    - Alors, Stark, on la ramène plus ? Non mais sérieusement, tu croyais que j’allais te laisser te taper ma copine sans rien dire, petite merde ?
    - Ne parle pas d’elle comme si ce n’était qu’un objet… soupira-t-il, agacé.
    - Dorian !
    La masse s’anima tandis qu’Alice tentait de s’y frayer un chemin. Jouant des coudes, elle parvint enfin jusqu’à leur niveau. Ne put avancer vers le centre du cercle, Dorian se plaçant volontairement devant elle pour lui barrer le passage.
    - Tiens, justement, on était en train de parler de toi, siffla Dorian sans la regarder.
    - Dorian, mais qu’est-ce que tu fous ?
    - Alors, elle était bonne, Stark ? Je veux dire, ma copine. T’as pris ton pied au moins ?!

    Flash.

    Lui qui la repousse soudainement, attrapant ses poignets pour l’éloigner de lui. Leurs visages qui s’éloignent l’un de l’autre. Leurs lèvres qui se séparent. Lui, totalement affolé, le souffle saccadé, qui la dévisage avec surprise, et elle, l’air confuse, qui le regarde sans comprendre.
    - C’est…
    Stupide, idiot, terrible, atroce, génial ?
    - On n’aurait pas dû faire ça, lâche-t-il en se levant brutalement, avant de tituber sous le coup du violent mal de tête engendré par une mise sur pieds aussi rapide.
    - Je… Jacob !
    - Faut que j’y aille, bafouille-t-il. Ma… DM de maths. Salut.
    - Jacob, excuse-moi !
    Elle se relève à son tour et marche vers lui. Mais déjà il s’éloigne à la va-vite, fait de grandes enjambées, déjà il disparaît entre les arbres, déjà il n’est plus là.
    - Bonne soirée…
    Il est déjà loin et sait qu’elle ne l’entend pas. Il fuit comme un couard et dès qu’il sent que la distance et suffisante il s’arrête et s’appuie contre un vieux chêne. La partie droite de son cerveau semble prête à éclater et irradie de douleur tout son être. Il oscille dangereusement, porte sa main à sa bouche tandis qu’une brusque nausée ébranle son corps. Plié en deux, il attend de longues minutes que cela passe.
    Mais cela ne passe pas. Cela ne passe jamais vraiment.

    Flash.

    - Tu veux que je te dise, Stark ? J’espère que t’as apprécié. Parce que maintenant, tu vas vraiment, vraiment le regretter.
    - Je n’ai rien fait, fit-il sans se démonter. Il ne s’est rien passé.
    - Dorian, écoute-le ! C’est de ma faute, lâche-le !
    Elle s’agitait désespérément devant lui mais il ne la voyait pas. Dorian ne voyait que Jacob et Jacob ne voyait que… Alice ?
    C’était l’instant de faiblesse fatidique. Incapable de supporter les pleurs de son amie plus longtemps, il glissa un rapide coup d’œil dans sa direction. A ce moment précis, Brown fit une avancée d’une vitesse non négligeable, et lui décocha un violent coup de poing en plein visage.
    C’était comme un brusque retour en arrière. Un retour treize ans dans le passé. Comme si cette souffrance ne l’avait pas quitté un seul instant. Il sentit sa pommette geindre tandis qu’on l’écrasait sans vergogne. Il sentit sa tête faire un mouvement brusque sur le côté, le lobe droit son cerveau cogner immédiatement contre la paroi interne de son crâne. Il sentit chacun de ses nerfs qui envoyait un signal à mesure que la pression qu’on exerçait sur sa cervelle augmentait. Il sentit sa nuque, son dos qui suivait. Ses bras et ses jambes. Il se sentit partir dans une vrille incontrôlable et l’instant d’après, alors que les mille et une chandelles s’allumaient devant ses yeux, il sentit sa joue qui ripait contre le sol rugueux de la cour, sa peau qui se déchirait sous l’impact et son corps qui s’affaissait dans la poussière. Le cri perçant qui sortit de la bouche d’Alice se mua en une myriade d’aiguilles qui vinrent se planter dans ses yeux. Ses tympans sifflèrent de surprise et il fut pris d’une violente envie de se recroqueviller sur lui-même. Comme ce fameux jour. Ce jour maudit où il avait perdu tout ce qu’il avait jamais eu.
    - Tu me dégoûtes, Stark. Tu me files la gerbe.
    Mais il n’était plus un enfant. Oh, non. Il avait cessé d’en être un dès la seconde où ses yeux s’étaient posés sur le cadavre de son père, à l’aube de son troisième anniversaire.
    - Je… je vais te briser !
    Un instant comme si le temps ralentissait. Puis un brusque retour à la réalité.
    Le mollet de Dorian vint le percuter en plein abdomen et il roula en arrière avant même d’avoir pu envisager de se relever.
    Incapable de respirer.
    - Je comprends même pas qu’ils aient pu choisir un type comme toi !
    Ses mains couraient le long du bitume pour chercher un appui. N’en trouvaient aucun.
    - Sans déconner ! Ils avaient rien de mieux à l’orphelinat ?!
    Ses yeux qui s’écarquillèrent brusquement, ses pupilles s’étrécirent. Figé. Une sueur froide se mêlant à la sensation de n’être plus qu’une bouillie informe.
    Les cris épars des élèves autour d’eux. Encouragements à la bataille. Amour du massacre.
    - Dorian ! C’est quoi cette histoire d’orphelinat ?
    - Fais pas la conne, Alice, tu sais très bien de quoi je parle !
    Un nouveau coup de pied, dans son dos cette fois-ci, pour le plaquer au sol alors qu’il tentait de se relever.
    - Comment t’as pu croire un seul instant que ce mec était leur fils ? T’as vu leur gueule, aux Stark ?!
    Masse s’abattant dans son flanc.
    - Il a pas un seul trait commun avec eux ! C’est qu’un bouseux !
    - Dorian !
    - Ta gueule !
    Claquement sec. Exclamation de surprise.
    Une gifle violente, Alice qui éclatait en sanglot, mortifiée. Un bouillonnement intérieur.
    - Alors, c’était quoi, leur problème, à tes vrais parents, hein, Jacob ?!
    Pied dans son ventre. Encore.
    - T’étais trop laid pour eux ? Trop faible, peut-être ? Oh, non, j’ai mieux…
    Frappe telle qu’il roula de nouveau. Les gens s’écartaient pour lui faire place. Lui s’écrasant contre un distributeur. Cri, tout au fond de lui.
    - Laisse-moi deviner ! Une erreur, c’est ça ?! Ta mère savait pas faire le tapin correctement ?!
    Mais pas un cri de douleur. Non. Un hurlement de rage.
    - Ou non, ton père ! Un putain de toxico, hein ? Un bon à rien ! Obligés de te larguer dès la naissance parce qu’ils voulaient pas de toi ! Ils se sont entretués, c’est ça ?! Ton connard de père n’était qu’un désaxé et il a flingué cette salope avant de se faire coffrer comme un minable ?! Allez !
    Ses poings se serrèrent et un souffle brûlant s’échappa de sa gorge.
    Le sang battait à ses tempes et il se consumait de l’intérieur. Ses yeux étaient fixes et seul le bruit de sa respiration était audible, à présent. Enfin, presque…
    - Allez, avoue ! Enflure !
    Comme si un dragon, un énorme dragon noir, tapi tout au fond de son cœur, s’était extirpé de sa chair pour prendre le contrôle de son âme. Le coup l’atteignit en pleine tempe mais il ne le sentit même plus.
    Sa langue reptilienne passa avidement sur ses crocs. Et le dragon s’en alla à la chasse.
    - T’es vraiment qu’une… »
    Il roula habilement sur le côté, évitant une nouvelle talonnade. Ses mains trouvèrent sans problème le mur derrière lui et il prit appuis dessus. En un instant, c’était lui qui menait la danse.
    Son genou alla s’abattre dans l’abdomen de Dorian, contraignant ce dernier à se plier en deux sous le coup de la surprise. A partir de là, tout fut très rapide. Du bras gauche, il décocha un violent uppercut sous le menton de son adversaire, l’envoyant valdinguer plus loin. Agrémenta le tout d’un nouveau coup de pied en plein ventre. Cerise sur le gâteau. Brown partit en arrière et il partit en un ballet infernal.
    Il ne reprit réellement conscience des faits que lorsqu’il fut assis sur lui, lui assénant coup sur coup, au milieu d’une mer de débris de verre – Dorian avait heurté une vitre et celle-ci s’était brisée sous le choc, quelques instants auparavant. En cet instant-là, l’autre se protégeait comme il le pouvait le visage de ses avants bras. En cet instant-là, l’attention de Jacob fut de nouveau détournée. Alice s’avançait vers eux en leur sommant d’arrêter.
    Il tourna la tête et le poing de Dorian le fit chavirer en arrière. Il se rattrapa pour se retrouver sur pieds, écarta Alice du bras, et fut prêt à repartir à la charge. La lèvre éclatée, il cracha un épais caillot de sang par terre.
    Dorian attrapa l’un des débris de verre qui reposaient sous lui et plongea sur lui. Il l’esquiva, recula un peu. Buta contre quelqu’un. Le cercle s’était rétréci.
    Dorian se retourna et balança sa main en direction de son visage.
    Comme si une lame enflammée avait de peu évité ses yeux pour lui scier le nez. Un goût terriblement salé envahit sa gorge et sa vision se teinta de rouge. Il trébucha pour s’écrouler, portant machinalement ses mains à sa tête. Une étrange chaleur baignait sa figure et il entendit qu’un homme appelait.
    Le rouge se mua en noir et il ne vit finalement plus rien.


    Beacon Hill, Boston, USA. Un 4 mars.
    9:53 PM.


    « Est-ce que tu peux me dire ce qui t’est passé par la tête ?!
    Il ne leva pas les yeux. Assis sur le canapé, il ne regardait que son torse. Cela faisait bien des années qu’il avait compris que le meilleur moyen de ne pas se sentir mal en présence de Stark Père… c’était d’éviter à tout prix de le regarder dans les yeux. Sauf qu’en la situation actuelle, l’intéressé n’appréciait visiblement pas.
    - Réponds-moi ! ragea-t-il en tapant du pied.
    - Tony…
    - Ne m’interromps pas, Emma ! Tu t’es montrée beaucoup trop douce avec ce môme ! Regarde ce qu’il est devenu, à présent !
    Il sentit qu’on le soulevait par le col et fut contraint de regarder Stark en face lorsque celui-ci colla son visage au sien… réveillant par la même occasion la douleur qui fourmillait dans ses sinus.
    - Alors explique-moi, maintenant, petit con !
    Le pansement tirait sur sa peau à mesure que son nez se fronçait sous la pression imposée par son père. Il finit par lâcher sur un ton distant :
    - Il a insulté mes parents. Il a insulté mon père.
    Regard suintant l’incompréhension de la part de l’homme.
    - Mon vrai père, précisa-t-il sans sourciller. »
    Dans un nouveau claquement sonore, la main de l’homme vint s’abattre sur sa joue, déjà bien endommagée.


    Beacon Hill, Boston, USA. Un 4 mars.
    10:13 PM.


    Le sang avait enfin cessé de s’échapper de sa lèvre et il était sur son lit. Les effets de la morphine s’atténuaient. Il chercha sous son oreiller, et pris deux cachets.


    Commonwealth School, Boston, USA. Un 11 mars.
    7:51 AM.


    « Alice ?
    Elle se retourna, l’aperçut. Fit rapidement volte-face et s’éloigna d’un pas pressé.
    - Alice ! »
    Il accéléra, la rattrapa. Pausa sa main sur son épaule. Elle s’esquiva avec souplesse et disparut dans la foule.
    Il ployait sous le poids des regards qu’on lui adressait à présent.


    Beacon Hill, Boston, USA. Un 11 mars.
    10:00 PM.


    Les cachets tombèrent sur ses draps. Il les attrapa et les avala.


Dernière édition par Jacob le Sam 4 Mai - 21:39, édité 6 fois
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MessageSujet: Re: † Jacob.   † Jacob. Icon_minitimeSam 27 Aoû - 14:56

    Beacon Hill, Boston, USA. Un 3 août.
    4:16 PM.


    Les doigts d’Emma Stark filaient avec agilité sur le clavier, enfonçant les touches en rythme, enchaînant les noires et les blanches, tapotant les croches non sans aisance, imposaient la cadence. A côté d’elle, l’archet frottait le métal. Les vibrations s’évaporaient dans les airs, et la musique battait son plein.


    MIT, Cambridge, USA. Un 6 février.
    3:38 PM.


    « Hey, Scarface !
    Il se stoppa et se retourna. Une silhouette bien connue traversait les hautes colonnes blanches pour trottiner vers lui. Un faible sourire naquit sur ses lèvres.
    - Je t’ai déjà dis de pas m’appeler comme ça, Luka.
    Son ami fit la grimace, terminant de rallier sa position.
    - Prends pas la mouche, mec, fit-il en lui donnant une petite tape sur l’épaule. Il a la classe, Scarface.
    Jacob leva les yeux au ciel.
    - Si tu le dis.
    Soupir amusé.
    - Tu m’as pas attendu, continua Luka Revery. Je t’avais dit que j’avais à te parler.
    - Excuse-moi. J’avais la tête ailleurs.
    - Oh… fit l’autre avec un sourire malicieux. Tu as quelqu’un en tête ?
    - Tu voulais me dire quoi ? ricana-t-il doucement.
    - Cachotier… bref. T’as entendu parler du programme d’expérimentation de Harvard ?
    - Mh, non… ?
    - Ils cherchent des cobayes volontaires pour quelques expériences ! C’est super bien payé !
    Jacob plissa les yeux, perplexe.
    - T’as pas peur de te retrouver transformé en Hulk ? fit-il avec ironie.
    - Oh, ça pourrait être fun…
    - Ca t’intéresse vraiment ?
    L’autre hocha la tête.
    - Ouais. Tu viens ?
    Il fit mine d’hésiter.
    - Je sais pas si c’est vraiment prudent…
    - Oh, allez, t’as une petite mine en ce moment ! Ca te revigorera j’en suis sûr ! Viens te changer les idées, y a que très peu de risques ! Ils savent ce qu’ils font, t’inquiète.
    - C’est pas des savants fous qui font des expériences dans leurs caves ?
    - Mec, t’es au MIT, t’en es un toi-même, de docteur Frankenstein !
    Bref temps mort. Acquiescement.
    - J’en suis, déclara-t-il promptement.
    - Génial ! s’exclama son comparse. A nous les super pouvoirs !
    - Si t’étais pas aussi brillant, j’en viendrais vraiment à penser que t’es un peu retardé sur les bords, le taquina-t-il.
    - Ouais, ouais… bon, faut que j’en parle à Lise, maintenant, je suis sûre qu’elle sera ravie de venir vu que t’es de la partie ! Rendez-vous demain aprem’ à trois heures devant leur campus ! On en profitera pour bouffer des burgers ! »
    Il n’eut pas le temps de répondre que Luka s’éloignait déjà d’un pas rapide. Debout au milieu du gazon, il attendit de le voir disparaître à l’angle du bâtiment.


    Harvard University, Cambridge, USA. Un 7 février.
    3:00 PM.


    « Salut, Jacob !
    Un sourire vint éclairer ses traits et il adressa un signe de tête amical à la jeune brune qui attendait devant le haut portail de fer forgé de l’université.
    - Lise. En avance ?
    - Comme toujours. Et toi, éternellement ponctuel.
    - Luka, sempiternel retardataire.
    Sans doute l’a-t-il fait exprès, songea-t-il, persuadé que leur ami serait ravi à l’idée qu’ils se retrouvent coincés seuls tous les deux pendant quelques minutes au moins.
    - On ne se refait pas, sourit-elle. Tu as l’air fatigué, est-ce que ça va ?
    - J’ai toujours eu des problèmes de sommeil, fit-il avec un signe de main qui signifiait que cela importait peu. Alors toi aussi, tu t’es laissée embarquer là-dedans ?
    - Ouais, fit-elle en hochant la tête. En fait, ça me permettra de gagner un peu d’argent. Tout le monde n’a pas la chance d’être plein aux as, ajouta-t-elle avec un clin d’œil.
    - Ca n’a pas que des avantages, remarqua-t-il, les mains dans les poches.
    - Certes, mais ça ne se refuse pas !
    - Peut-être, oui…
    - Alors, ça roucoule sec, les tourtereaux ?
    Il sentit qu’on lui assénait une forte claque sous l’épaule mais ne réagit pas à la taquinerie – cela faisait bien longtemps qu’il avait arrêté de s’en formaliser. Il se contenta d’adresser un autre signe du menton au jeune homme qui venait de les rejoindre.
    - Tu es en retard, fit remarquer Lise.
    - On ne se refait pas, sourit-il en leur faisant signe de le suivre.
    - C’est justement ce qu’on était en train de se dire, marmonna Jacob en lui emboîtant le pas.
    - Ravi de constater que votre symbiose intellectuelle n’a rien à envier à personne ! rit-il en faisant mine de trottiner gaiement. Tes parents ont pas râlé, Jacob ?
    L’intéressé dodelina de la tête en levant les yeux, un sourire au coin des lèvres.
    - Oh, je vois, embraya son ami. Tu es ici clandestinement alors !
    - Tes parents te checkent ? demanda leur accompagnatrice.
    - Oh, non, ça va, même si son père reste quand même un chieur de première…
    Puis, voyant que l’autre demeurait toujours indécise, il ajouta :
    - Jacob a une santé de merde. Je pense pas qu’ils apprécient l’idée qu’il joue aux rats de laboratoires.
    - Oh, je ne savais pas…
    - Ca va, fit le principal concerné avec un haussement d’épaules.
    - Mais heureusement que notre Scarface national ne laisse pas ses problèmes régir sa vie ! s’exclama joyeusement l’autre. Je pense que tout le monde devrait agir comme lui !
    Jacob ne releva pas, se contentant de regarder un point indistinct devant lui.
    Bien heureux que son ami n’aie jamais vu à quel point il avait pu se montrer soumis à la douleur dans sa plus tendre jeunesse.
    Avant de rencontrer Alina.
    Au fond de sa poitrine, le palpitant se resserra sur lui-même.
    - Est-ce que c’est grave ? interrogea Lise d’une petite voix. Je veux dire, je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas mais...
    - Ca s’améliore avec le temps, lui répondit-il sur un ton qui se voulait rassurant.
    - D’accord… fais attention tout de même…
    - T’inquiète.
    - Mignon.
    - Quoi ?
    Un air béat donnait à Luka des allures de véritable idiot. Il haussa par à-coups les sourcils, les yeux plissés.
    - C’est fort mignon, tout ça. Merveilleux petit couple.
    - Ton manque de sérieux est outrageant, fit-il en feignant l’indignation.
    - Hahaha…
    - Va te fourrer un burger dans la bouche, tête de con ! »
    Jacob asséna une grande tape dans le dos de Luka, qui s’éloigna gaiement devant eux.


    Mr Bartley’s : Gourmet Burgers, Cambridge, USA. Un 7 février.
    3: 37 PM.


    « Un Jersey Shore ! déclara fièrement Luka avant même de s’être procuré la carte.
    La serveuse le considéra quelques secondes avant de déclarer en souriant :
    - Tu ne varies donc jamais ?
    - Jamais ! continua-t-il en tournant la tête vers ses camarades. Vous ?
    - Tom Brady, fit Jacob.
    - Facebook, conclut Lise.
    - Okay guys. Cuisson ?
    - Saignants pour tous les trois. Et trois Bud’ avec ça !
    - Je me contenterai d’un coke, rectifia Jacob calmement.
    - Oh, Jacky’…
    - Mon cerveau n’apprécie pas vraiment d’être en contact avec de l’alcool. Je préfère m’en tenir aux sodas, expliqua-t-il à l’adresse de Lise, dont il percevait l’étonnement.
    - Tiens, c’est vrai que c’est la première fois que tu manges ici avec nous, toi ! remarqua son ami. C’est assez surprenant.
    - Tout ce temps à rattraper, fit-elle en levant les yeux au ciel, une moue malicieuse peinte sur le visage.
    - En effet !
    Les verres s’échouèrent sur leurs tables et Jacob sirota pensivement le coca cola qu’on lui avait apporté. Laissant son attention vagabonder parmi les tables, il sentait quelque chose d’étrange naître en lui.
    - Jack ?
    Ses iris noirs quittèrent les drapeaux estampillés « HARVARD VS YALE » et autres bustes d’Elvis Presley pour revenir se planter sur Luka, qui le fixait gravement.
    - Tu reviens parmi nous ?
    - Mh ?
    Froncement de sourcils. Reprise à la volée.
    - Tu sembles bien songeur.
    - Non, non, ça va, fit-il en éloignant son verre. Je réfléchissais, c’est tout.
    - Mouais… okay ! »
    Luka avait une mine radieuse. Rien de bien surprenant : les hamburgers arrivaient.


    Mr Bartley’s : Gourmet Burgers, Cambridge, USA. Un 7 février.
    4: 12 PM.


    « Absolument dégueulasse, déclara Lise en repoussant son assiette vide devant elle.
    Les deux confrères s’échangèrent un regard avant de revenir vers elle.
    - On aurait juré que t’avais apprécié ton repas, pourtant, avança Luka, un sourcil haussé.
    - Oh, non ! Bien sûr, j’ai adoré, fit-elle, affalée sur sa chaise. Je trouve juste absolument dégueulasse le fait que Harvard ait droit à des burgers pareils et pas nous.
    Sourire ravi de Luka.
    - Tu ne peux pas savoir à quel point je peux soutenir cette thèse.
    - Moi aussi ! déclara Sarah – leur éternelle serveuse et excellente confidente – en venant récupérer leurs assiettes. Vous ne prendrez pas de dessert je suppose ?
    - Tout juste ma belle, fit Luka en se relevant. On doit filer, on a rendez-vous à la demie.
    - Ah, vous les scientifiques, vous ne savez pas apprécier les bonnes choses ! fit-elle en roulant des yeux. Et puis-je savoir ce qui vous presse tant ?
    - Secret défense, ironisa-t-il.
    - Il veut qu’on devienne des super…
    Ses mots se perdirent dans le vide alors que ses sourcils se fronçaient. A présent debout, à son tour, Jacob regardait droit devant lui. Jacob regardait le comptoir. Une femme était en train de payer. Et il aurait reconnu cette chevelure si gracieuse entre mille.
    - … héros… »
    Il attrapa sa veste sans prendre gare aux appels de Luka et se dirigea d’un pas rapide vers la sortie. Déposa deux billets à la caisse. Ouvrit la porte vitrée.
    Quitta le brouhaha du Bartley’s pour retrouver celui des rues du quartier de Harvard. Plissa les yeux pour distinguer quelque chose au-delà de cet épais voile de lumière qui venait l’aveugler. Scruta les silhouettes mais ne trouva pas celle qu’il cherchait.


    Harvard University, Cambridge, USA. Un 7 février.
    4: 23 PM.


    « On peut savoir ce qui t’a pris tout à l’heure ? demanda Luka, qui s’était à présent posté juste à côté de lui, à mesure qu’ils progressaient dans l’allée qui bordait l’immense étendue de gazon de l’université.
    - J’ai cru voir quelqu’un, fit-il pensivement. Une vieille connaissance.
    Non, c’était plus que cela. Il n’avait pas cru la voir. Il l’avait vue.
    - On sait qui c’est, nous ?
    - Non.
    - Et on peut savoir ?
    - … non, répondit-il en accélérant le pas. C’est par là, c’est ça ?
    - Hey… bordel, j’aime pas quand tu me caches des choses, mec. »
    Juste derrière eux, Lise suivait sans rien dire.


    Harvard University, Cambridge, USA. Un 7 février.
    4: 30 PM.


    La pièce était relativement grande, plutôt bien éclairée. Il fronça le nez lorsque les premiers relents acides qui en émanaient lui parvinrent aux narines. Il détestait ce genre d’odeur. Il avait toujours largement préféré la physique à la chimie.
    « Vous êtes pile à l’heure ! annonça-t-on d’une voix forte, non loin d’eux.
    Il tourna la tête pour apercevoir un homme d’une quarantaine d’année, blouse blanche sur le dos, stylos dans la poche, qui s’avançait dans leur direction, l’air particulièrement satisfait.
    - Professeur Adams, continua-t-il en leur tendant la main. George Adams.
    Puis, sans attendre qu’ils lui répondent, il fit volte-face.
    - Voilà les derniers ! déclara-t-il. Nous allons pouvoir commencer ! »
    Les yeux de Jacob se portèrent sur le groupe de trois personnes qui se trouvait également dans la pièce, derrière lui. Il y avait une femme toute vêtue de blanc. Une assistante, certainement. Un garçon environ aussi âgé qu’eux, voire un peu moins. Un regard téméraire et un peu trop arrogant. Et il y avait une jeune femme, juste à côté de lui.
    Une infime douleur lui traversa le crâne lorsqu’il reconnut Alice.


    Harvard University, Cambridge, USA. Un 7 février.
    4: 37 PM.


    « Bon ! s’écria George Adams en se frottant vigoureusement les mains. Je tiens à tous vous remercier de vous être portés volontaires. Sachez que ce geste est fort apprécié ! Ne vous en faites surtout pas, nous avons, la charmante Monica – son regard se posa un instant sur son assistante, qui s’afférait autour de Jacob – et moi, la situation sous contrôle. Vous ne risquez rien !
    - Vous semblez fatigué, lui dit-elle en ajustant une électrode placée sur sa tempe gauche. Est-ce que ça va ?
    Les yeux de Jacob quittèrent Alice des yeux – celle-ci était déjà installée, à l’autre bout de la pièce, et s’efforçait apparemment de ne pas regarder dans sa direction – pour venir s’ancrer à ceux de Monica.
    - Oui, oui, répondit-il. Ne vous en faites pas.
    - Vous n’avez rien pris ? Je veux dire, dans les dernières vingt-quatre heures. Rien qui ne mérite d’être déclaré ?
    Il la détailla un instant avant de lâcher :
    - Pas à ma connaissance, non.
    - Ne vous en faites pas, je ne suis pas de la police, fit-elle en comprenant sa méfiance. C’est juste que nous ne voulons pas qu’un mauvais mélange entraîne des problèmes.
    - Je croyais qu’on ne risquait rien ?
    - Rien de bien méchant, fit-elle en vérifiant son cathéter.
    - Et c’est quoi, le principe ? Vous nous aspergez de LSD pour voir comment on réagit comme dans le bon vieux temps ?
    Elle eut un rire amusé.
    - En quelque sorte… »
    Sa chaise roula en arrière et elle s’éloigna finalement de lui.


    Harvard University, Cambridge, USA. Un 7 février.
    4: 40 PM.


    « Tenez vous prêts… c’est parti ! »
    Monica passa entre les sièges – des vieux modèles stressless – pour leur injecter la substance blanchâtre sur laquelle se basait visiblement leur étude. Il se sentit frissonner lorsque la substance pénétra à l’intérieur de son bras.
    Sa tête roula lentement sur le côté et il aperçut Alice, bien loin de lui, elle aussi allongée. A présent les capteurs frémissaient et les machines autour d’eux cliquetaient.
    Au bout de quelques minutes, il fut pris d’une violente nausée.


    Harvard University, Cambridge, USA. Un 7 février.
    4: 47 PM.


    Des bruits stridents provenaient des machines et la tête lui tournait atrocement. De violentes crampes d’estomac lui lacéraient le ventre et sa respiration s’emballait. Le noir se faisait autour de lui tandis que les voix s’affolaient.
    Tout se brouilla et il fut infiniment soulagé de sombrer dans l’inconscience.


    Harvard University, Cambridge, USA. Un 7 février.
    5: 03 PM.


    Un contact humide et froid sur son front. Ses paupières tremblèrent et il serra les dents. Horrible migraine qui lui martelait l’intérieur du crâne. Une voix familière – une voix terriblement douce mais qu’en l’état actuel des choses, son organisme entier percevait comme une agression sanguinaire – lui transperça les tympans. Il lui fallut un moment pour que les sons se muent enfin en mots qu’il était apte à comprendre.
    « Jacob ?
    Ses yeux s’ouvrirent et se refermèrent, encore et encore. S’ouvrirent enfin totalement. Il attendit que le visage d’Alice, à une quarantaine de centimètres du sien, redevienne totalement net. Et se sentit horriblement gêné de la voir aussi proche de lui après tant d’années. De façon si brutale.
    - Hey… ça va mieux ?
    Il ne pipa mot. Un instant plus tard, il se redressait violemment, et manquait de grogner tant la douleur qui succéda à ce mouvement fut grande. Sa main se plaqua instantanément contre son front et il sentit un gant mouillé sous ses doigts.
    - Ne t’agite pas comme ça !
    La main autoritaire de la jeune femme vint se plaquer contre son torse et il n’eut pas la force de lui résister. Il bascula en arrière et son dos revint s’accoler au dossier du siège, à présent passé en position « allongé ».
    - T’as fait un malaise, expliqua-t-elle en voyant son regard empli d’incompréhension. Juste après qu’on t’aie injecté le produit. Adams était furieux, fit-elle avec un sourire soulagé. C’est son assistante qui a tout pris, même si elle disait qu’elle avait tout fait correctement. Ils sont allés chercher du secours, ajouta-t-elle en regardant la porte de la pièce. Les autres sont aussi sortis, même si ton ami n’avait pas l’air très joyeux à cette idée. Ils sont à l’infirmerie parce qu’on pense que le produit est peut-être dangereux, du coup. On a pas pu te sortir d’ici, tu te débattais trop.
    Le regard de Jacob demeurait fixe. Perdu dans les belles boucles d’or.
    - Ils m’ont dit de rester ici pour te surveiller. Parce que j’étais la plus calme, je crois.
    Pas de réponse.
    - Tu as dit des trucs quand tu étais inconscient. Mais on n’a pas compris. Selon Adams, c’était de l’allemand. Mais je… je ne savais pas que tu parlais allemand.
    Aucune réaction. Elle perdait pied, meurtrie par son silence.
    - Jacob… je suis désolée. Vraiment désolée pour tout. C’est à cause de moi que tout ça s’est passé, au lycée. Tout était de ma faute et je l’ai rejetée sur toi. Je suis vraiment une fille… abjecte.
    Elle attrapa le gant qui avait glissé sur le côté et le plongea de nouveau dans la bassine d’eau qui attendait à côté d’elle. Le reposa sur son front.
    - Je suis allemand, souffla-t-il.
    - Pardon ?
    Elle le regarda, perdue.
    - Mes parents étaient allemands. Je suis né en Allemagne. Je suis allemand, répéta-t-il.
    - Mais co… »
    La porte de la pièce s’ouvrit à la volée et Adams, suivie de sa fidèle assistante, pénétra à l’intérieur d’un pas claquant.


    Harvard University, Cambridge, USA. Un 7 février.
    5: 10 PM.


    « Vous allez bien ! s’exclama-t-il avec un soulagement non dissimulé. Vous êtes réveillé !
    - Vous… ça va ? articula Monica en allant se poster à son chevet pour lui saisir le poignet. Votre pouls est encore faible… ça va ?
    Il hocha la tête, dissimulant au possible la douleur qui lui irradiait le lobe droit tout entier, au point de lui donner l’impression que son œil allait être éjecté de sa boîte crânienne.
    - Mais… est-ce que vous savez ce qui s’est passé ? Vous aviez pris quelque chose ?! continua-t-elle, désemparée à l’idée d’être la cause de tout ceci.
    Il la regarda fixement.
    - Juste des cachets contre les maux de tête, fit-il.
    - Oh mais… vous auriez dû le dire ! protesta-t-elle, le teint blême.
    - Ce serait à cause du paracétamol ? s’interrogea Adams. Etrange. Vous en aviez pris beaucoup ?
    - Dextropropoxyphène, dit-il en se tournant vers lui.
    - Du dextropropoxyphène ?
    Adams semblait perplexe.
    - Mais vous auriez dû me dire que vous en aviez pris ! continuait Monica, affolée. Ce n’est pas comme du simple paracétamol tout de même !
    - Je ne vois pourtant pas en quoi cela aurait pu causer un problème, même s’il est vrai que nous pouvons toujours nous retrouver confrontés à des…
    - J’ai toujours eu des problèmes de santé, fit Jacob. Ca s’était amélioré avec le temps. Je ne pensais pas que cela pouvait jouer ainsi. Ca doit être ça la cause.
    - Quelle idée avez-vous eu de venir ici dans ce cas ! s’exclamait Monica, horrifiée. Ah, je savais que c’était une mauvaise idée, George ! Il fallait les contrôler avant de nous lancer comme ça sans prendre de précautions !
    - Nous avions pris des précautions, Monica !
    - Certes, mais…
    Il grimaçait. Les cris des deux collègues lui faisaient l’effet d’une véritable torture. Au-delà de tout ça, il sentit la main d’Alice qui venait trouver la sienne. Elle le regardait d’un air compatissant.
    - … ce n’est pas une raison, Monica !
    - Et vous voyez la merde dans laquelle on se retrouve à cause de votre négligence !
    - Je ne compte vous poursuivre en justice, fit Jacob en relevant difficilement la tête vers eux. Personne n’en saura rien. C’est de ma faute, de toute façon.
    - Mais vous… oh… vous êtes sérieux ?
    - Oui. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser…
    Il fit mine de se relever, mais fut rattrapé par l’épaule.
    - Attendez, ordonna Monica. Vous n’allez quand même pas partir comme ça sans qu’on vous ait examiné !
    Il lui adressa un vague sourire.
    - Ca va. Je me sens mieux.
    - Mais nous…
    - C’est bon, ça va, merci. »


    Beacon Hill, Boston, USA. Un 7 février.
    5: 48 PM.


    « Tu n’étais pas obligée de me raccompagner…
    Il continuait de tanguer et savait que ça ne s’arrêterait qu’une fois la nuit passée – enfin, il l’espérait. Néanmoins, il tâchait d’avoir un minimum d’allure. Se traîner à demi-mourant sous les yeux de la jeune fille aurait suffi à anéantir le peu d’amour propre qu’il possédait. Elle eut un rire discret.
    - Tu croyais vraiment que j’allais te laisser rentrer chez toi tout seul après ça ? Les autres ne pouvaient de toute façon pas te suivre vu qu’on les retenait à l’infirmerie.
    - Tu aurais dû y être toi aussi.
    Elle sourit.
    - Pas besoin.
    - De même pour moi.
    Soupira profondément.
    - Jacob…
    - Désolé.
    Sourit de plus belle.
    - Tu n’as pas changé, finit-elle par dire.
    - Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
    - Toujours en train de te dénigrer.
    - Absolument pas.
    - Si, parfaitement. On dirait que tu t’obstines à te faire passer après les autres.
    - C’est faux.
    - Comme si tu te reprochais quelque chose, conclut-elle.
    - C’est…
    Tout à fait vrai.
    Elle avait visé juste. Le gosse qu’il avait été et restait aujourd’hui n’avait de cesse de s’en vouloir de la mort de ses deux parents.
    Elle comprit le malaise. Détourna le sujet comme elle savait si bien le faire.
    - Bon. Tu te sens capable de finir tout seul ?
    - Je tiens parfaitement debout et ma porte d’entrée est à moins de quarante centimètres de ma main gauche, répondit-il calmement. Je pense que je peux m’en sortir.
    Sourit une troisième fois.
    - Je me suis peut-être trompée…
    Lui ne sut que répondre comme à l’accoutumée.
    - Tu as un peu plus de tchatche qu’avant.
    C’était maintenant qu’elle faisait erreur. Il n’y avait bien que parce qu’il se sentait terriblement mal en sa présence qu’il avait autant de répondant.
    Il se frotta la nuque et elle comprit le message.
    - Tu étudies où, à présent ? demanda-t-elle.
    - MIT. Département de génie électrique et d’informatique.
    - Oh… je vois, fit-elle sans cacher qu’elle était impressionnée. Tu as toujours été doué pour les sciences.
    - Tu es à Harvard, n’est-ce pas ?
    - C’est-ça, acquiesça-t-elle. En droit.
    - Mes félicitations…
    Il oscilla dangereusement pour se rattraper à la porte, à côté de lui. Elle le regarda fixement.
    - Je vais te laisser, fit-elle enfin. Tes parents sont là ? Enfin, tes…
    - Ma mère, normalement.
    - Je… d’accord.
    Il se passa un certain laps de temps durant lequel aucun des deux ne bougea, puis elle se décida à s’écarter pour lui laisser la possibilité d’ouvrir la porte. Il en franchissait le pas lorsqu’elle l’interpela une dernière fois :
    - Tu t’es finalement laissé pousser les cheveux.
    Il se retourna vers elle.
    - Ouais.
    - Tu as eu raison. Ca te va vraiment bien.
    - Je suis sûr que Dorian penserait que ça fait de moi une pédale, remarqua-t-il avec animosité.
    - Dorian est un sinistre connard, grommela-t-elle. Ca fait longtemps que nous nous sommes perdus de vue.
    Il hocha la tête en silence.
    - J’espère qu’on se reverra, termina-t-elle.
    - Pas dans un labo, cette fois-ci, ironisa-t-il.
    Elle étouffa un petit rire.
    - Non, bien sûr.
    - Bonne fin de journée, Alice.
    - Salut… Jacob.
    La porte se referma et il s’adossa contre elle, se prenant la tête entre les mains. Il s’était fait violence pour ne pas laisser transparaître l’état pathétique dans lequel il se trouvait en réalité. Il avait une gerbe d’enfer, comme cela ne lui était pas arrivé depuis bien longtemps.
    De longues minutes s’écoulèrent avant qu’il ne parvienne à se remettre en marche. Lentement, très lentement, il traîna sa pauvre carcasse en direction des marches. L’ascension allait être difficile.
    - C’était la petite Alice, non ?
    Il se stoppa, la main posée sur la rampe en acajou. Revêtit un masque aussi naturel que possible et se tourna vers Mrs Stark.
    - Oui, dit-il d’une voix pâteuse.
    - Je ne savais pas que vous vous voyiez de nouveau.
    - Moi non plus jusqu’à cet après-midi…
    - Jacob… est-ce que ça va ?
    - T’en fais pas. Je suis juste fatigué. Je vais m’allonger.
    - Tu as mal à la tête, c’est ça ?
    - Ca va passer. »
    L’ascension fut rude.


    Beacon Hill, Boston, USA. Un 7 février.
    5: 59 PM.


    Les cachets tombèrent et il les avala d’une traite. Plongé dans le noir le plus total, il ne prit ni la peine de se déshabiller, ni de s’enfiler sous les draps. Il se laissa tomber sur son lit et plongea dans un profond coma.


    Harvard University, Cambridge, USA. Un 7 février.
    6: 00 PM.


    « George, vous pouvez venir un instant ?
    - Qu’est-ce qu’il y a, Monica ? fit l’homme en quittant son siège pour la rejoindre. Elle contemplait l’écran de son ordinateur avec gravité.
    - J’ai fait deux prises de sang au gosse, tout à l’heure. Juste au cas où.
    - Et alors ? fit-il en se postant à côté d’elle. Drogue ?
    - Pas vraiment… marmonna-t-elle.
    Son index indiqua une succession de pourcentages.
    - Je n’ai jamais vu ça, déclara-t-elle.
    Il se gratta lentement le menton, passant sa main dans sa barbe naissante, l’air tout aussi sceptique qu’elle.
    - Bon Dieu, j’ai jamais vu une concentration en dextropropoxyphène aussi élevée… »


    The Boston Tattoo Company, Boston, USA. Un 12 novembre.
    3:43 PM.


    La douleur était indéniable mais il ne s’en formalisait pas. Le plus gênant restait le grincement strident qu’émettait la seringue à mesure que l’encre passait sous sa peau. Cela faisait plus d’une demi-heure que le son ne s’était pas tari et ses oreilles commençaient à bourdonner. Une vague douleur naissait au creux de son crâne.
    Il savait au fond de lui que c’était là un acte stupide, qu’il regretterait bien, un jour ou l’autre. Mais il avait brusquement eu envie de passer à l’acte, plus de deux mois plus tôt, et après de longues heures à méditer sur cette idée il avait fini par choisir de sauter le pas.
    Il lui fallait reconnaître une chose : c’était plutôt inhabituel, pour lui, d’avoir mal dans le dos, et non à l’intérieur de la tête.



    Beacon Hill, Boston, USA. De nos jours.
    7 : 06 PM.


    « Bonsoir.
    Il referma la porte d’entrée, s’avança dans le salon. Mrs Stark était assise sur le canapé et le regardait.
    - Salut, lâcha-t-il avant d’aller s’étaler dans le fauteuil qui trônait à côté d’elle.
    - Rude journée ?
    Il se passa la main sur le visage, esquissant un sourire.
    - Longue et… chaude.
    - La climatisation est toujours en panne ?
    - C’est ça, oui.
    - Ils ne font rien pour la réparer ?
    - Ils y travaillent, répondit-il en poussant du pied sa sacoche, qui reposait au sol. Apparemment, c’est plus sérieux que ce qu’ils croyaient. Faudrait la remplacer.
    - Oh…
    - C’était pas vraiment le bon moment pour décider de ne plus marcher. Mais bon. C’est pas la première fois.
    - Tu devrais aller prendre une douche, ça te ferait du bien. Tu as mal à la tête ? demanda-t-elle en voyant qu’il se massait lentement les tempes du bout des doigts.
    - Un peu, fit-il, fatigué. La chaleur ne m’a jamais réussi.
    - Va te doucher, fit-elle en se penchant vers lui pour lui tapoter le genou. Ton père ne va pas tarder à rentrer lui non plus. Je vais mettre le dîner à chauffer.
    - Mhhhh… »
    Il la regarda sans vraiment la voir, puis acquiesça et fit mine de se relever. Sa sacoche de nouveau en main, il monta lentement les escaliers. Sa nuque était raide et son cœur s’emballait. Une légère nausée.
    Rentrant dans sa chambre, il laissa tomber son sac sur le bureau à côté de lui, et, instinctivement, se dirigea vers son lit. Y débusqua la boîte de médicaments. Détacha un comprimé de l’opercule. Son rythme cardiaque continuait de s’accélérer à mesure que le comprimé blanc approchait de ses lèvres.
    Dès l’instant où il l’eut avalé, il se sentit renaître.
    La psychologie humaine n’aurait jamais de cesse de le laisser rêveur.


    Beacon Hill, Boston, USA. De nos jours.
    7 : 22 PM.


    Il tourna le robinet d’eau froide et fut immédiatement aspergé par une multitude de gouttelettes glaciales. Frissonnant, il décida qu’un peu de chaleur ne serait malgré tout pas de refus. Equilibrant la température, il ferma les yeux, l’eau ruisselant lentement sur son visage, collant ses cheveux noirs, formant de longues mèches qui voilaient son regard. Poussa un profond soupir.
    Cette routine était bien monotone. Il se sentait en quelque sorte mort, de l’intérieur, et il n’y avait bien que la prise régulière de médicaments qui parvenait à lui donner l’impression d’une certaine stabilité. C’était là le seul acte excitant qui rythmait à présent sa vie. Les journées passées sur son lieu de travail à plancher sur des systèmes informatiques et les façons d’améliorer les performances des ordinateurs s’enchaînaient et il se sentait pris au piège.
    Comme si sa vie n’avait jamais été réduite qu’à ça. Une maudite succession de cycles qui s’enclenchaient les uns à la suite des autres, au fil des années.
    A bien y réfléchir, le temps du MIT lui manquait cruellement. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas revu Lise ou Luka de façon autre que sporadique et son boulot lui pompait maintenant trop d’énergie pour qu’il puisse envisager de prendre un minimum de bon temps. D’autant plus que de récentes nuits blanches lui avaient donné le sentiment qu’il arriverait bientôt à quelque chose de tout à fait remarquable.
    Finalement, c’était le jour où Alice et lui s’étaient séparés qu’il avait cessé de vivre. Les migraines s’étaient curieusement enchaînées, à partir de ce moment-là. Et le seul moyen qu’il avait trouvé de faire taire la douleur qui lui broyait le crâne avait été de la noyer sous un flot quasi-constant de pilules – toujours les mêmes. Cela faisait aujourd’hui un an et demi qu’ils avaient rompu et le phénomène n’avait de cesse d’empirer. Une existence des plus tristes.
    Il aurait voulu changer d’air, voler vers de nouveaux cieux. Avait bien envisagé de quitter la demeure des Stark pour se construire son propre nid, quelque part, non loin d’eux, certes, mais au moins, chez lui. Il avait même failli concrétiser alors qu’il fêtait sa deuxième année aux côtés de la belle blonde. Mais la réalité s’était bien vite imposée à lui et il n’avait pu que courber l’échine face à son pouvoir de persuasion terrifiant.
    Il l’avait toujours su, dans le fond : Emma Stark était une personne fragile, frêle, à l’image d’une fleur. D’une beauté et d’une douceur saisissante. Mais tellement éphémère. Et lui, il avait été son engrais, en quelque sorte. Sa cage de verre. Son rempart protecteur. Un remède miracle trouvé par Stark Père lui-même. Il était un lien. Un moyen pour leur ménage de rester stable. La seule solution pour préserver Stark Mère de la chute. Il avait deviné sa faiblesse, dès les premiers jours. Cette fatigue au fond de ses yeux couleur de glace, cette joie intense qu’elle arborait lorsqu’elle se trouvait en sa présence. Sa façon si délicate d’aborder les choses. Sa gentillesse, sa compassion. Et cette façon qu’avait son mari de la regarder à la dérobée. Comme s’il avait craint qu’elle ne se fane sur un simple courant d’air. Oh, oui, il l’avait toujours su mais si cette idée avait dans un premier temps suffi à lui donner l’impression de se rendre enfin utile, elle lui faisait aujourd’hui l’effet d’une véritable masse reposant sur ses épaules, et prête à l’écraser. Il ne pouvait quitter les Stark.
    Elle ne l’aurait jamais supporté.
    Alors il se sacrifiait comme il l’avait toujours fait et il se coupait les ailes de son propre chef. Il demeurait à ses côtés et sentait bien dans le fond que son père lui en était reconnaissant. Il calait la table quitte à se faire plaquer au sol par des forces qui le dépassaient. Peut-être le méritait-il, après tout. Il avait tué sa mère. Son père, indirectement. S’il pouvait au moins permettre à leurs successeurs de ne pas tomber à leur tour…
    Nouveau soupir. La douleur s’atténuait, maintenant. Il avait la chair de poule et dégoulinait à grosses gouttes. Il ferma le robinet et se saisit du gel douche.


    Beacon Hill, Boston, USA. De nos jours.
    8: 00 PM.


    « San Diego ? demanda Mr Stark en haussant un sourcil, entre deux gorgées de vin. Combien de temps ?
    - Une semaine, répondit-il en cessant de couper le gigot qui trônait dans son assiette pour le regarder.
    - C’est… une conférence, c’est ça ? demanda sa mère qui avait reposé ses couverts et le regardait à présent d’un air grave, que son conjoint ne tarda pas à remarquer.
    - Oui, acquiesça-t-il en détachant un petit bout de viande. Sur la technologie quantique.
    - Cela fait longtemps que nous ne sommes pas partis en vacances, déclara Antony Stark, impassible. Ca pourrait être une bonne occasion.
    Jacob ouvrit la bouche pour répliquer – une furieuse envie de protester venait de se saisir de lui – mais se renfrogna rapidement. Les yeux plein d’espoir de sa mère adoptive étaient rivés sur lui. Il posa sa fourchette pour se frotter mécaniquement la nuque, cherchant désespérément quelque chose susceptible de lui servir de support visuel. Ne trouva rien. Du revenir dans la bataille.
    - Ca pourrait… être bien si vous veniez, oui. Vous pourriez vous détendre un peu.
    - On avait bien apprécié notre séjour en Californie, il y a quatre ans, c’est vrai, fit Emma. J’avais envie d’y retourner.
    - Je vais voir pour nous trouver des billets d’avion et une suite convenable, alors, décréta fermement son mari. Quand est-ce que cela a lieu ?
    - Dans quinze jours, répondit Jacob en fouillant pensivement dans ses petits pois.
    - Soit. Je ne devrai avoir aucun mal à me libérer. Ca nous fera des vacances en famille, conclut-il en plantant sa fourchette dans un morceau d’agneau.
    - Oui…
    - En famille, sourit Mrs Stark, qui, soudainement très rassurée, s’avançait pour reprendre des légumes. »


    Boston Logan International Airport, non loin de Boston, USA. De nos jours.
    7 : 15 AM.


    Le vrombissement du moteur s’affolait. L’avion quittait terre.


    The US Grant, San Diego, USA. De nos jours.
    1:00 AM.


    Ses yeux fixés sur le plafond, il gardait les mains croisées contre son abdomen. Impossible de dormir. La caféine contenue dans ses cachets devait se coupler à l’anxiété de se retrouver aussi loin de chez lui… dans une chambre voisine à celle de ses parents. Ce séjour qui l’avait d’abord réjoui n’était plus pour lui qu’une source de stress supplémentaire. Il en venait à avoir hâte d’être de retour à Boston. A présent, il en était certain.
    Il ne serait jamais libre.


    The US Grant, San Diego, USA. De nos jours.
    9:16 AM.


    Bruit sourd. Réveil brutal.
    Il ouvrit soudainement les yeux, suffisamment expérimenté dans l’art des maux de tête chroniques pour savoir qu’il ne devait en aucun cas se redresser d’un coup. Son cœur s’affolait sans qu’il ne sache pourquoi. Il mit quelques instants à prendre réellement conscience des faits.
    Il avait bien tardé à s’endormir et la nuit avait été rude. Il se sentait exténué. Il était visiblement très tard – un coup d’œil à sa montre le conforta dans cette idée – et il mourrait d’envie de dormir encore. Il l’aurait d’ailleurs fait, si quelque chose ne l’avait pas ainsi arraché à son sommeil.
    Il se redressa, lentement, veillant à éviter tout geste brusque de peur de subir des représailles – son cerveau pouvait être un véritable tyran lorsqu’il le souhaitait. Avec mille précautions, il se laissa descendre de son lit. Et avala deux cachets, juste au cas où.
    La petite suite était déserte – son père avait insisté pour ne pas se contenter de lui payer une simple chambre – comme il pouvait s’y attendre. Faisant un rapide tour d’horizon, il supposa que quelque chose avait tapé à sa porte. Enfila chemise, pantalon. Se surprit même à attraper ses colliers dans la foulée. Et décida, en sa qualité d’homme intègre, d’aller voir ce qu’on lui voulait.


    The US Grant, San Diego, USA. De nos jours.
    9:23 AM.


    Le couloir était vide. Une étrange odeur flottait dans l’air. Une odeur qu’il ne connaissait que trop bien.
    Il porta sa main à sa bouche pour retenir un haut-le-cœur alors qu’une vague de souvenirs douloureux l’assaillaient. Alors qu’il restait plié en deux, cherchant son souffle, il aperçut la traînée de sang qui maculait sa porte.


    The US Grant, San Diego, USA. De nos jours.
    9:25 AM.


    Pétrifié, le regard fixe, il ne parvenait à faire le moindre pas supplémentaire. La porte de la suite des Stark était grande ouverte, et les traces pénétraient à l’intérieur.


    The US Grant, San Diego, USA. De nos jours.
    9:26 AM.


    Le bruit de ses pas était étouffé par la moquette qui recouvrait le sol. Il s’avança dans le grand salon et se figea de nouveau. Totalement tétanisé.


    The US Grant, San Diego, USA. De nos jours.
    9:26 AM.


    « Je… ne bouge pas !
    Incapable de respirer. Incapable de penser. Incapable de croire ce qu’il voyait.
    - T’es comme eux ? T’es comme eux, hein ? Réponds !
    Il entrouvrit les lèvres mais sa gorge refusa de produire le moindre son. Saisi d’un vertige, il fit un pas en avant pour ne pas perdre l’équilibre.
    - Je t’ai dit de ne pas bouger !
    Antony Stark resserra l’étreinte qu’il exerçait sur la lampe de chevet, éclaboussée de sang, qu’il tenait dans ses mains.
    A ses pieds gisait le cadavre d’une femme. Et malgré l’état catastrophique dans lequel elle se trouvait, et malgré le fait que sa tête était totalement fracassée, il n’eut aucun mal à la reconnaître. Il eut le sentiment de se briser, à l’intérieur.
    - Mère… souffla-t-il, les yeux écarquillés.
    - Quoi ?! Qu’est-ce que t’as dit ?!
    Silence entrecoupé par le souffle rauque de Stark Père, dont l’avant-bras, orné d’une profonde trace de morsure, saignait abondamment.
    - Répète j’ai dit !
    - Qu’est-ce que tu as… fait ? articula-t-il en faisant un pas de plus dans sa direction.
    - Je… elle s’est jetée sur moi, Jacob ! fit l’autre en comprenant que son fils était lucide.
    - Tu l’as… tuée ?
    Un pas de plus.
    - Elle était partie se chercher des glaçons ! s’exclamait l’autre. Nous n’en avions plus ! Et… et quand j’ai ouvert la porte… elle m’a attaquée ! Elle m’a mordu !
    - Tu as tué ta femme…
    Deux mètres les séparaient l’un de l’autre, à présent.
    - Bouge pas !
    - Tu as tué ma mère ?
    - BOUGE PAS J’AI DIT !
    Pris de panique, Antony Stark se rua dans sa direction, brandissant à tour de bras son arme de fortune, dont l’abat-jour était à moitié arraché. Dans un réflexe salvateur, Jacob l’esquiva. Stark buta sur le sol et s’étala de tout son long.
    C’est alors que le jeune homme attrapa à son tour la lampe qui s’était échouée au sol.
    - Tu l’as tuée, et maintenant, tu veux me tuer à mon tour ? »
    Tony Stark se releva, difficilement. Fit demi-tour et dans un hurlement hystérique, plongea vers lui en assénant des coups au hasard.


    The US Grant, San Diego, USA. De nos jours.
    9:33 AM.


    S’engouffrant précipitamment dans l’ascenseur, il arrêta son geste au moment d’appuyer sur le bouton censé le conduire au premier étage. Une sueur froide le parcourut tout entier. Il repartit rapidement en direction de sa suite.


    The US Grant, San Diego, USA. De nos jours.
    9:36 AM.


    Retournant son oreiller, il attrapa les trois boîtes de médicaments qui reposaient sur son matelas. Se saisit de sa sacoche qui attendait sur la table du petit salon et partit pour de bon.



    The US Grant, San Diego, USA. De nos jours.
    9:45 AM.


    Les portes à battants de l’hôtel s’ouvrirent à la volée alors qu’il les franchissait. Il comprit alors que l’Enfer était à présent sur Terre.


    Dans les rues de San Diego, USA. De nos jours.
    10 :00 AM.


    Les immeubles défilaient et il n’en pouvait plus. Son sang battait à ses tempes et il s’étonnait de ne pas être encore terrassé par une terrible migraine ; sans doute que l’adrénaline noyait sa cervelle. D’un revers de manche, il tâcha d’éponger les tâches de sangs qui mouchetaient son visage. Il ne put voir le résultat obtenu, mais supposa que ça ne devait pas être bien joli à voir. Fuyant de toutes ses forces les armées du Diable, il fut finalement contraint de s’arrêter au bord de la route, à bout de souffle.
    A peine avait-il cessé de courir que des gémissements plaintifs parvenaient à ses oreilles.


    Dans les rues de San Diego, USA. De nos jours.
    10 :05 AM.


    Il était collé au mur et plus aucune issue ne s’offrait à lui. Il était fini et peinait à y croire ; à vrai dire, si l’odeur de l’hémoglobine n’avait été aussi puissante et écœurante, il aurait parié qu’il était dans un rêve. Après tout, comme cela pouvait-il être possible ?
    Il était là, collé contre le mur, cerné par une horde de… zombies ? Parce que c’était bien ça, hein ? C’étaient des zombies ? Ca ne pouvait être que ça, non ? Mais depuis quand ça existait, exactement, les zombies ? Depuis quand le monde était-il aussi fou ? Depuis quand devait-il courir pour sauver sa peau ? N’évoluaient-ils pas dans un univers où c’était le rationnel qui l’emportait sur tout ?
    L’étau se resserrait autour de lui et il ne pouvait rien faire. Partout, où qu’il ait regardé, des légions de visages tuméfiés balançaient sur lui un regard vide de toute émotion. Il serrait machinalement le chapelet à son poignet gauche lorsqu’un vrombissement sonore surpassa le son rauque des grondements que poussaient ses assaillants.
    Et tout à coup, un 4x4 noir déboula d’entre les goules, écrasa quelques corps et dérapa pour s’arrêter... juste devant lui. Sérieux ?
    La portière s’ouvrit tandis qu’une voix masculine le sommait d’entrer. Bien évidemment, il n’esquissa pas le moindre geste. Jusqu’à ce qu’une créature émerge sur sa droite pour se diriger d’un pas relativement rapide vers lui. C’est à cet instant que ses jambes se plièrent de nouveau à sa volonté. Il se précipita vers le siège qui s’offrait à lui et y prit place. Le moteur hurla et ils se mirent en marche.


    Dans les rues de San Diego, USA.
    Maintenant.


    Alors que leur caravane approchait de la station service, un attroupement attira son attention, non loin du bâtiment principal. Il plissa les yeux. Quelqu’un semblait se débattre parmi les hommes. Les mots que prononcèrent celui qui l’avait littéralement pris en stop ne lui parvinrent qu’en un tas indistinct auquel il ne comprit rien. Ils se stoppèrent non loin d’une pompe à essence, et l’autre s’extirpa rapidement de la voiture pour venir en aide à ce qui semblait être… un homme tapant dans le tas avec un banjo.
    Il vit les zombies qui ployaient sous les coups et qui se relevaient en masse. Il vit les zombies qui encerclaient le duo. Il vit les zombies qui étaient sur le point de leur faire la peau. Son regard glissa alors le long des pompes, cherchant quelque chose, sans trop savoir quoi. Il y eut un déclic et il sortit précipitamment de la voiture.
    Il abattit violemment la bombonne de gaz dont il s’était saisi sur le crâne de l’une des goules, alors que celle-ci était sur le point de planter ses dents dans celui qui l’avait sauvé quelques minutes plus tôt.




Licorne.

    Votre PUF : Shade, Kyuu-shade. Nazareth pour certaines occasions.
    Votre âge : 18 : D

    Codes : Rouge !

    Une dernière chose à dire ? :
    La flemme l’emportera sur ma maniaquerie maladive, pour l’instant, l’histoire n’est pas relue. Tout ça pour que la partie des présentations fasse pas trop vide T__T
    [ Je relirai voire améliorerai le caractère ce soir, là je suis vraiment fracassée ]



Dernière édition par Jacob le Jeu 29 Oct - 15:44, édité 7 fois
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MessageSujet: Re: † Jacob.   † Jacob. Icon_minitimeSam 27 Aoû - 16:49

    Danke !
    Voilà, on va dire que c'est bon. Je relirai mon histoire... un jour =)
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Désolée, mais ... Je vois pas où est l'histoire : D *mur*
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    Oui, je dois reconnaître qu'elle est assez discrète, j'étais pas vraiment inspirée XD
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